Huit médecins sur dix indiquent être en difficulté pour refuser un antibiotique aux patients qui leur en demandent…
Un article publié par la Drees, Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Janvier 2022, n°1217).
72% des prescriptions d’antibiotiques, en France, sont prescrits en médecine de ville. Huit médecins sur dix indiquent être en difficulté pour refuser un antibiotique aux patients qui leur en demandent, et quatre sur dix indiquent qu’ils leur arrivent de prescrire un antibiotique à des patients qui n’en ont peut-être pas besoin.
L’ARTICLE :
Un médecin généraliste sur deux est confronté à des problèmes d’antibiorésistance
Les participants au quatrième Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale ont été interrogés entre avril et juillet 2021 sur leurs perceptions à propos de l’antibiorésistance et sur leurs prescriptions d’antibiotiques.
En juillet 2021, un médecin généraliste libéral sur deux déclare avoir été confronté, au cours des trois derniers mois, à des problèmes d’antibiorésistance au sein de sa patientèle. Si la quasi-totalité des médecins estiment avoir un rôle à jouer contre la résistance aux antibiotiques, huit sur dix indiquent être en difficulté pour refuser un antibiotique aux patients qui leur en demandent. La quasi-totalité des médecins sont confrontés à des patients leur réclamant un traitement antibiotique lors d’une infection virale.
Trois profils de médecins se distinguent en fonction de leur attitude vis-à-vis de la prescription d’antibiotiques et de leurs relations avec les patients : un quart des médecins indiquent être peu disposés à partager la décision médicale avec leurs patients, tandis qu’une minorité (7 %) y est fortement encline ; les deux tiers restants sont dans une position intermédiaire.
En 2020, 68 % des participants déclarent avoir atteint un objectif cible de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) concernant les antibiotiques.
La France est le cinquième pays européen en matière de consommation d’antibiotiques, avec une moyenne supérieure de 20 % à la moyenne européenne (ECDC, 2021). Une forte majorité des antibiotiques vendus en France sont prescrits par les médecins généralistes (72 % en 2020) [Santé publique France, 2021]. Toutefois, leur mésusage peut générer, au fil du temps, une augmentation des résistances bactériennes à ces médicaments, réduisant ainsi leur efficacité. L’Organisation Mondiale de la Santé a identifié l’antibiorésistance comme l’une des menaces les plus sérieuses pour la santé publique. La consommation et les prescriptions d’antibiotiques ont d’ailleurs fait l’objet en France de plusieurs plans successifs visant à les réguler.
Afin d’étudier les perceptions et les pratiques des médecins généralistes libéraux sur l’antibiorésistance, le quatrième Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale les a interrogés du 23 avril au 16 juillet 2021 (encadré 1).
La moitié des médecins sont confrontés à l’antibiorésistance
La moitié des médecins généralistes libéraux (53 %) indiquent avoir été confrontés, au cours des trois derniers mois, à des problèmes d’antibiorésistance au sein de leur patientèle. Ces situations ont compliqué la prise en charge thérapeutique une fois, pour un tiers des médecins (34 %), et plusieurs fois pour un cinquième (19 %) [graphique 1]. La quasi-totalité des médecins estiment avoir un rôle à jouer contre la résistance aux antibiotiques (95 % sont tout à fait ou plutôt d’accord avec cette affirmation) [graphique 1]. Toutes choses égales par ailleurs (1), les médecins de moins de 50 ans en sont plus souvent convaincus (73 % sont tout à fait d’accord) que les médecins plus âgés (60 % pour les 50-59 ans ; 54 % pour les 60 ans ou plus).
8 médecins sur 10 ont du mal à refuser un antibiotique aux patients qui leur en demandent
Même si beaucoup de médecins sont confrontés à des problèmes d’antibiorésistance, près d’un sur deux (43 %) indique qu’il lui arrive de prescrire un antibiotique à des patients qui n’en ont peut-être pas besoin (graphique 2). Toutes choses égales par ailleurs, les femmes déclarent moins souvent se trouver dans cette situation (35 % des médecins femmes, contre 49 % pour leurs confrères hommes).
Près de 18 % des médecins déclarent qu’ils préfèrent prescrire un antibiotique, en cas de doute, par crainte de conséquences médico-légales s’ils n’en prescrivent pas (graphique 2) ; ce pourcentage s’élève à 23 % chez ceux exerçant en zone de sous-densité médicale.
Par ailleurs, 82 % des médecins généralistes libéraux expriment également des difficultés (parfois : 60 % ; souvent : 20 % ; toujours : 2 %) à refuser de prescrire des antibiotiques à un patient qui le demande. Près des deux tiers des répondants déclarent qu’ils pourraient, peut-être (41 %) voire certainement (20 %), diminuer la fréquence de leurs prescriptions d’antibiotiques. La part de réponses certaines atteint 30 % chez les médecins ayant le volume d’activité le plus élevé, contre 16 % pour les autres.
6 médecins sur 10 utilisent régulièrement Antibioclic pour guider leurs choix thérapeutiques
Les médecins généralistes de ville sont 60 % à déclarer recourir régulièrement au site Antibioclic pour les aider dans leurs choix thérapeutiques ou dans leur communication avec les patients (encadré 2 et graphique 3). Toutes choses égales par ailleurs, ce recours diminue avec l’âge (Antibioclic est utilisé par 83 % des médecins de moins de 50 ans, 63 % des 50-59 ans et 40 % des 60 ans ou plus) et est plus fréquent chez les femmes, chez les médecins exerçant en groupe et chez ceux travaillant en région Pays de la Loire. Le dosage de la protéine C-réactive (CRP), qui permet de détecter une éventuelle pathologie infectieuse ou inflammatoire (ce qui induira la prescription ou non d’antibiotiques), est utilisé par 51 % des médecins (plus souvent par les hommes, les plus âgés et moins fréquemment chez ceux exerçant en Pays de la Loire).
La fiche d’information de l’Assurance maladie pour les situations ne nécessitant pas d’antibiotiques n’est utilisée régulièrement que par 15 % des médecins, et seuls 1 % utilisent l’espace en ligne Antibio’Malin (sur Santé.fr). Cette faible proportion peut s’expliquer par le fait qu’Antibio’Malin est un espace d’information pour les patients et qu’il a été lancé récemment (novembre 2019), tandis qu’Antibioclic est un outil d’aide à la décision construit et mis à jour par des médecins généralistes universitaires, à destination des professionnels de santé mis en place il y a maintenant dix ans (octobre 2011) et largement diffusé sur les réseaux sociaux et à l’occasion de congrès de médecine générale.
9 médecins sur 10 se fient à leur propre jugement pour la prescription d’antibiotiques
Malgré le recours à ces outils, la très grande majorité des médecins (88 %) déclarent se fier avant tout à leur propre jugement et à leur expérience pour leurs…
Lire l’article sur le site de la Dress
Pierre Verger, Lisa Fressard, Anne-Fleur Jacquemot (ORS Provence-Alpes-Côte d’Azur), Maxime Bergeat, Noémie Vergier (DREES), en collaboration avec Céline Pulcini (ministère des Solidarités et de la Santé), Romain Lutaud (département universitaire de médecine générale, Aix-Marseille Université), Muriel Barlet, Elisabeth Fery-Lemonnier (DREES), Bruno Ventelou (AMSE), Jean-François Buyck, Thomas Hérault (URML Pays de la Loire), Florence Zemour (URPS-ML Provence-Alpes-Côte d’Azur)
Source : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-01/ER1217.pdf
Article paru dans la Lettre de la Médecine du Sens n° 358
Lire également cet article d’Olivier Soulier sur l’antibiorésistance
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