Vaccination anti-hépatite B et sclérose en plaques : une indemnité record n’établit pas une causalité scientifique !
Commentaire.
Tout à fait surprenant et très jésuite. Il y a pas de lien, mais on paye quand même. Comme dirait Coluche «jusqu’où s’arrêterons-t-ils?». Cependant la position du tribunal ouvre une brèche flagrante dans un dogme.
L’ARTICLE :
Nancy, le jeudi 14 août 2014- Par une décision rendue le 2 juin 2014 par la cour administrative d’appel de Nancy, relevée et mise en avant pour la première fois par l’Est républicain dans son édition du 13 août, l’état a été condamné à payer la somme de 2 384 670 euros et 50 centimes en réparation de préjudices physiques, moraux, esthétiques, et dans ses conditions d’existence, à une infirmière souffrant d’une sclérose en plaques développée peu après une vaccination anti-hépatite B. Cet arrêt établit un nouveau record pour ce type de litige.
20 ans de lutte pour une condamnation
Mme A…Infirmière à l’hôpital psychiatrique de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or a bénéficié de quatre injections d’un vaccin anti-hépatite B les 23 avril, 22 mai, 20 août 1991 et le 4 juin 1992, vaccination rendue obligatoire pour les professionnels de santé exerçant dans un établissement hospitalier par l’article L. 3111-4 du code de santé publique.
En juillet 1991, après la deuxième injection, elle développe un diabète de type I, et après la quatrième, en août 1992, des désordres neurologiques, des troubles visuels et des paresthésies évoquant une sclérose en plaques (diagnostiquée formellement en mai 1994).
Forte d’une expertise médicale qui avance que les séquences chronologiques entre les injections vaccinales et les premières manifestations pathologiques sont évocatrices d’un processus dysimmunitaire établissant un lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la maladie, elle demande au ministère de la santé, par la voie du recours gracieux, l’indemnisation de son préjudice. Celle-ci est refusée par une décision du 9 février 2004.
L’infirmière demande alors l’annulation de cette décision, mais le tribunal administratif de Besançon rejette sa requête le 28 mars 2006. La cour administrative d’appel de Nancy, le 14 mai 2012, accueille finalement favorablement sa demande d’indemnisation par l’état et décide la tenue de nouvelles expertises pour établir le montant de son préjudice.
La cour a considéré que les expertises ayant précédé le recours gracieux de la requérante, si elles n’ont pas établi un lien entre la vaccination et la sclérose en plaques, ne l’ont pas exclu « eu égard, d’une part, au bref délai ayant séparé l’injection du 4 juin 1992 de l’apparition, en août 1992, des premiers symptômes de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée, d’autre part, à la bonne santé de l’intéressée, et à l’absence chez elle de tous antécédents propres à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ».
C’est donc finalement le 2 juin dernier, que la même cour, s’appuyant sur les nouvelles expertises, décidait que l’état devait lui allouer 2,4 millions d’euros d’indemnité. On ne sait pour l’heure si ce dernier se pourvoira devant le Conseil d’Etat.
Une décision qui ne remet pas en cause l’innocuité de la vaccination anti-hépatite B
Il est à noter que l’arrêt du 14 mai 2012, qui permet de comprendre les raisons de l’indemnisation de la victime, n’établit pas un lien de causalité entre vaccination anti-hépatite B et sclérose en plaques.
En effet, la jurisprudence actuelle veut qu’en l’absence de lien de causalité avéré, les juridictions administratives doivent établir leur décision sur « un faisceau d’indices » comme le rappelle l’arrêt du 14 mai 2012 : « le tribunal ne pouvait écarter le lien de causalité, au seul motif que l’étiologie de la sclérose en plaques n’est pas connue. Il est incohérent scientifiquement d’exiger un lien certain entre les pathologies et l’obligation vaccinale qui ne résulte pas des textes. En retenant qu’il ne résultait pas de l’instruction que la survenance de sa sclérose en plaques était, avec certitude, directement imputable à sa vaccination contre l’hépatite B, les premiers juges ont ajouté une exigence non prévue par la loi, écartée par le milieu scientifique et la jurisprudence. Un faisceau d’indices conduit à retenir un lien de causalité suffisant entre la vaccination et la survenue de la sclérose en plaques ».
Au total, cet arrêt illustre une nouvelle fois la divergence entre causalité juridique et scientifique.
Rappelons enfin, qu’à ce jour de nombreuses études épidémiologiques ont été menées afin de savoir si la vaccination anti-hépatite B pouvait provoquer la sclérose en plaques. Leurs résultats convergent vers l’absence de lien entre ce vaccin et la survenue d’une SEP (1,2) ou de poussées (3,4), que ce soit chez l’adulte (1,3) ou chez l’enfant (2,4).
Pour consulter l’arrêt du 14 mai 2012
Pour consulter l’arrêt du 2 juin 2014
Frédéric Haroche
Références
1. Ascherio A et al. Hepatitis B vaccination and the risk of multiple sclerosis. N Engl J Med 2001 ; 344 : 327-32.
2. Mikaeloff Y et al. Hepatitis B vaccination and the risk of childhood-onset multiple sclerosis. Arch Pediatr Adolesc Med 2007 ; 161 : 1176-82.
3. Confavreux C et al. : Vaccines in Multiple Sclerosis Study Group. Vaccinations and the risk of relapse in multiple sclerosis. N Engl J Med 2001 ; 344 : 319-26.
4. Mikaeloff Y et al. ; KIDSEP study group of the French Neuropaediatric Society. Hepatitis B vaccine and risk of relapse after a first childhood episode of CNS inflammatory demyelination. Brain 2007 ; 130(Pt 4) : 1105-10.
Copyright © http://www.jim.fr