Un peu de Darwin en psychiatrie

Commentaire. Cet article se demande pourquoi la folie persiste au travers des générations sans raison apparente. C’est peut-être justement que nous ne voyons pas les raisons ou que dans notre fonctionnement trop bien pensant, nous ne comprenons pas ce qui se joue. Vu que forcement nous, nous allons bien et que ce sont les fous qui ne vont pas.

La folie peut être présentée comme une solution. Par exemple, Nash le mathématicien, magnifiquement joué par Russel Crowe dans le film « Un homme d’exception ».

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18668690&cfilm=28384.html

La schizophrénie développe l’intelligence. 

Mais, dans ce film, à aucun moment il ne va vers les racines de la schizophrénie du héros.

Comme le fait Harold Searle dans l’effort pour rendre l’autre fou.

https://paradoxa1856.wordpress.com/2008/05/01/harold-searles-leffort-pour-rendre-lautre-fou/

Je vais vous raconter une petite histoire. Je rencontre un jour, dans un de mes stages, un homme qui s’occupe d’un centre social mais qui a commencé sa carrière dans un hôpital psychiatrique comme jardinier. Notre passion commune pour les arbres et les plantes nous rapproche vite et il me raconte cette histoire.
Il n’était ainsi ni patient, ni soignant. Il était en quelque sorte en position d’observateur. En des termes plus techniques on parlerait de position méta.
C’était un hôpital de type pavillonnaire, avec des bâtiments disséminés au milieu d’un parc avec des allées conduisant aux différents bâtiments. Ce qui fait que d’un bâtiment on voyait arriver les visiteurs au loin dans les allées.
Ainsi arrivaient ce que l’on appelle « les familles » c’est-à-dire un groupe des quelques personnes amenant un des leurs pour être interné en psychiatrie.
Seulement de loin, la plupart du temps, rien n’est visible, à moins qu’il n’y ait une agitation physique évidente, ce qui n’est que rarement le cas.
La question était alors « lequel va t-il être interné ? ».
L’équipe soignante, chef de service, psychiatres, infirmiers et cet homme jardinier s’interrogeaient. 
Le psychiatre chef de service disait avec une grande lucidité : « On interne celui qui ne supporte plus la folie des autres ».  
Au travers ce mot, tant humoristique qu’inspiré, on voit bien le rôle de la maladie psychiatrique dans un groupe social.

L’intérêt aussi d’aspects hyper créatifs voir géniaux de la folie. L’être cherche des solutions à la difficulté qu’il rencontre et que le groupe rencontre.

Les délires doivent toujours être écoutés avec beaucoup d’attention, il portent la plupart du temps en allégorie une mise en forme de la cause au travers des méandres familiaux.

Les phobies sont-elles les mémoires des peurs du loup ou de l’ours qui ont sauvé tant de générations de la dévoration ?

 

L’ARTICLE :

L’existence des maladies mentales et surtout leur persistance au fil des siècles semblent poser un problème de compatibilité avec la théorie de l’évolution développée par Darwin. Dans une perspective évolutionniste, rappelle The Canadian Journal of Psychiatry, on peut s’interroger en effet sur les raisons pour lesquelles ces troubles psychiatriques existent et persistent, alors que leurs « porteurs », les patients, n’en tirent (apparemment) aucun bénéfice ni pour eux, ni pour l’espèce humaine. Il est cependant possible que ces troubles mentaux confèrent un certain avantage adaptatif. Par exemple, les allèles concernés par l’augmentation du risque de schizophrénie ou de trouble du spectre autistique peuvent aussi être impliqués dans l’augmentation d’aptitudes en rapport avec l’abstraction, se traduisant notamment par « l’élévation du QI, de la créativité ou du raisonnement mathématique. » Songeons, par exemple, au peintre Vincent Van Gogh ou au mathématicien John Forbes Nash. Schématiquement, dans cette « approche évolutionniste pour guider la recherche » en psychiatrie, on peut concevoir le développement de troubles mentaux existant malgré la sélection naturelle, ou au contraire en raison de cette pression de sélection. Dans le premier cas, on peut noter que les composantes héréditaires de certains traits psychopathologiques complexes et à déterminisme polygénique se maintiennent car l’apparition de mutations délétères est plus rapide que leur élimination par la seule sélection naturelle (balance mutation/sélection). La fréquence de ces mutations est accrue sous l’effet de certains facteurs environnementaux (comme l’endogamie, de graves carences alimentaires chez la mère ou un âge paternel élevé).

Des bénéfices parfois cachés

Dans le second cas, des troubles persistent au contraire du fait de la sélection naturelle, car la nature doit « trouver le meilleur compromis pour assurer la propagation du matériel génétique », défavorable dans tel type de trouble, mais probablement favorable pour prévenir un autre problème. Par exemple, si l’anxiété et les phobies peuvent se révéler très invalidantes, leur existence à dose modérée est sans doute un mécanisme adaptatif pour limiter des comportements imprudents, tant dans le monde ancien (où une confrontation téméraire avec un loup ou un ours pouvait tourner au détriment de l’homme) que dans notre environnement technologique actuel, exigeant une adaptation permanente à une prise de risques calculés, par exemple dans la coexistence entre piétons et automobilistes. Cette idée constitue, en psychiatrie, la transposition du phénomène de « pléiotropie antagoniste »[1] en matière de vieillissement : un avantage adaptatif provisoire se paye par un inconvénient ultérieur (une pathologie), un allèle augmentant la susceptibilité génétique à une maladie mentale pouvant conférer simultanément un bénéfice. Mécanisme voisin, « l’avantage hétérozygote » est d’ailleurs rencontré en médecine somatique, quand les sujets hétérozygotes pour un certain gène y trouvent un avantage adaptatif. Deux exemples sont souvent cités : l’anémie falciforme et une mutation du gène CFTR responsable de la mucoviscidose [2] qui confèrent à leur porteur une vulnérabilité pathologique pour les homozygotes, mais une meilleure résistance génétique pour les hétérozygotes, respectivement au paludisme et à la tuberculose.

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pl%C3%A9iotropie_antagoniste
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Mucoviscidose

Dr Alain Cohen

Références

Durisko Z et coll.: Using evolutionary theory to guide mental health research. Can J Psychiatry, 2016 ; 61 : 159–165.

http://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/un_peu_de_darwin_en_psychiatrie__158717/document_actu_med.phtml

 

 

Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 118