Tribunal International des Droits de la Nature (TIDN): Réponse à SOS Mondial

Tribunal International des Droits de la Nature (TIDN):Réponse à SOS Mondial

                                                                                  Frank Bracho[1]*

“La blessure d’un seul est la blessure de tous. L’honneur d’un seul est l’honneur de tous” –Dicton Dakota

“Seule une grande force spirituelle nous permettra de sortir du grand labyrinthe où nous nous trouvons” –José Manuel Zapata

Texte issu de notre ami le Dr Jacques Mabit.

Chers amis, 

Je vous adresse en annexe le compte-rendu, en français (ma traduction), rédigé par notre ami Frank Bracho qui a participé à la réunion du Tribunal sur les Droits de la Nature qui s’est tenu à Lima début décembre, avec notre soutien. Frank est écrivain vénézuélien, activiste écologique spécialisé dans la surexploitation pétrolière de l’Amazonie, ex ambassadeur du Venezuela en Inde. Les informations qu’il nous livre sont très importantes d’autant plus que la prochaine réunion de ce Tribunal aura lieu à Paris en décembre 2015. Toute diffusion en français contribuera à une meilleure information des intéressés pour se préparer à ces échéances. Cette récente initiative de Tribunal  International me paraît extrêmement intéressante et destinée à progresser.

Dans la mesure où vous pourriez contribuer à diffuser ou publier partie ou totalité de cette information de qualité, cela serait bienvenu (avec les références correspondantes). Il peut aussi s’agir  d’un résumé ou condensé. Vos liens avec d’éventuelles associations, groupes ou activistes écologiques pourraient être mis à contribution. Merci en tous cas de me le faire savoir pour en avertir son auteur qui met généreusement son texte à libre disposition. 

INTRODUCTION

Le Tribunal International des Droits de la Nature (TIDN), un nouvel organisme sur la scène internationale, établi par l’Alliance Globale pour les Droits de la Nature, est une initiative surgie de la société civile afin d’exiger ou faire valoir une meilleure justice environnementale face aux gouvernements ou acteurs économiques privés qui ont fait preuve d’une patente irresponsabilité, d’un manque de scrupule, de stratégies d’occultation ou de maneuvres dilatoires pour obtenir la reconnaissance ou mener les poursuites concernant de sérieux crimes contre l’environnement.

N’étant pas formellement liée à l’actuel système légal international, l’autorité du TIDN est davantage de type éthique et sans pouvoir de contrainte légale; elle découle de la trajectoire de solvabilité morale et de l’expérience des membres de son jury – dans son ensemble des figures de la société civile reconnues au niveau national ou international, de même que pour la grande charge qu’elles ont acceptée d’assumer.

Ce nouvel organisme est récemment entré en scène en janvier 2014 lors d’une première sesión réalisée en Equateur, sous la présidence de l’Indienne Vandana Shiva, fameuse activiste écologiste et Prix Nobel Alternatif. Le choix de l’Equateur comme lieu de lancement du TIDN n’est en rien fortuite. Il s’agit d’un haut lieu de la biodiversité au niveau mondial – bien qu’aujourd’hui très menacé par sa fragilité et la voracité exploitatrice, avec de grands évènements sur la scène écologique et un pays qui a été le premier au monde à consacrer formellement dans sa Constitution Nationale en 2007 le thème des “Droits de la Nature”, reconnaissant ainsi la Nature non seulement comme un objet mais comme sujet jouissant de droits légalement exigibles. Cette jurisprudence significative et encourageante a ensuite été complétée en 2010 par une toute aussi pionnière “Déclaration des Droits de la Terre Mère” adoptée à Cochabamba, en Bolivie. Cette dernière, davantage orientée vers la notion de “Terre-Mère”, très caractéristique à la fois des cultures indiennes mais aussi de l’écologie la plus engagée, a conduit à une vision encore plus profonde que celle de “Nature” en soulignant en celle-ci la dimension “d’être vivant” et duquel les êtres humains font aussi partie, en étroite communion d’identité… De ce fait, le thème des “droits” est complété de façon plus explicite par des “motivations existentielles vitales” (instituant un lien de fraternité pleine entre l’être humain et la Nature), de même que le thème des “devoirs”, ce qui souligne l’importance de cette thématique.

Mais, au-delà cette notion antérieure, on peut comprendre que pour des raisons tactiques et afin de maintenir une ample capacité de dialogue et d’influence sur le système légal dominant, les promoteurs du Tribunal ont, malgré tout, choisi de centrer son intitulé sur la notion plus conventionnelle de “Droits de la Nature” de façon à mieux pouvoir défendre la cause d’une justice environnementale sur la scène internationale.

Ce faisant, le Tribunal n’a certes pas renoncé à sa prétention d’aller au-delà de la notion de “Droits de la Nature” afin – en plus de son rôle de juge ou conseiller légal en matière de justice réparatrice ou restauratrice – d’assumer un magistère sur les inevitables thèmes de fond qui débouchent sur la mise en place d’une ample et cohérente Charte Ethique et le surgissement d’un Changement de Civilisation. Comme le signale le texte même du Tribunal, mettant en évidence la claire adhésion à une vision ample et susceptible d’être élargie, il s’agit justement de “montrer comment l’application des droits et devoirs contenus dans les sources de jursiprudence, comme les Droits de la Nature et la Déclaration des Droits de la Terre Mère, promeut l’harmonieuse coexistence des êtres humains et autres êtres de la Nature, d’une façon qui favorise l’intégrité, la santé et le fonctionnement de la communauté planétaire toute entière!”

Bien sûr, dans une vision encore plus large du concept de “Nature” ou “Terre Mère”, nous pourrions aller plus loin que la “Planète” pour considérer tout “l’Univers”, car en définitive notre habitat n’est pas seulement planétaire mais constitué par l’Univers, comme le disait le grand théologien chrétien Teilhard de Chardin: “L’homme ne serait pas capable de se voir lui-même de façon complète hors de l’humanité, ni l’humanité hors de la vie, ni la vie hors de l’Univers” ! Ce qui mettrait en valeur sur ce sujet une conception davantage bio-centrée (versus la moderne anthropo-centrée) de même que davantage cosmo-centrée, ce qui est célébré dans de nombreuses cultures autochtones… et se trouve limitrophe avec la notion, dans le christianisme et de nombreuses cultures autochtone, que l’être humain puisse avoir un devoir responsable et spécifique – et non pas un privilège irresponsable d’exploiteur – de “gardien majeur” de toute la Création! (Comme le nouveau Pape vient de le dire face à l’Union Européenne: “Bien que l’être humain soit une partie fondamentale de la Nature, nous en sommes les gardiens et non les propriétaires. C’est pourquoi nous devons l’aimer et la respecter”)

LA RÉCENTE SESSION DU TIDN EN LIMA ET QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LE CONTEXTE.

La seconde session du TIDN vient de réaliser au Grand Hotel Bolívar de Lima, du 5 au 7 décembre 2014, en parallèle à la tenue de la 20ème Conférence -ou COP20- des représentants de quelques 196 gouvernements pour le processus de révision de la Convention Mondiale sur le Changement Climatique.

Cette session du Tribunal a été présidée par Alberto Acosta, ex Président de l’Assemblée Constituante d’Equateur (2007-8), l’organisme équatorien qui a agit comme pionnier en plaçant de manière formelle les Droits de la Nature dans le texte de la Constitution de ce pays. Acosta a commencé la session avec un avertissement militant destiné aux présents mais aussi aux gouvernements représentés à la COP20: “Nous n’allons pas attendre que les gouvernements et l’ONU ag¡ssent, nous ne sommes pas venus à Lima comme spectateurs mais comme acteurs!”

Le Tribunal a pu compter avec un jury de qualité qui incluait des figures aussi distinguées que les suivantes:

-Raul Prada, philosophe, sociologue et ancien membre de l’Assemblée Constituante de Bolivie (2006-7).

-Hugo Blanco, dirigeant politique et de la Confédération des Paysans du Pérou.

-Blanca Chancoso, dirigeante kichwa et éducatrice, Equateur.

-Tom Goldtooth, Dine/Dakota, Directeur du Réseau Environnemental Indien, Minnesota, EEUU.

-Francis Houtart, professeur, philosophe, théologien, Belgique.

-Edgardo Lander, sociologue, professeur, Venezuela

-Osprey Orielle Lake, Cofondatrice et Directrice Exécutive de “Femmes de la Terre” et du “Réseau sur le Changement Climatique”, Etats-Unis.

 

Le procureur du Tribunal (ou “Procureur de la Terre”), l’avocat écologiste Ramiro Ramiro Avila, en plus d’introduire chacun des douze cas emblématiques traités, a joué le rôle d’interviewer de chacun des témoins venus présenter des dommages, preuves et plaidoyers reliés à chaque cas.

Témoins d’ailleurs également de grande pointure et qui incluaient des dirigeants de communautés affectées – métis et indigènes, écologistes, scientifiques, avocats, chercheurs, etc., un très bon échantillon de la société civile et des mouvements sociaux et culturels – supportant littéralement en première ligne les agressions contre la Terre Mère et les luttes de résistance pour protéger ses droits.   Témoins avec de nombreux et poignants témoignages de vie ou de mort autour de conflits sur l’environnement y inclus des histoires de violence très crues, de viles et injustes persécutions ou la criminalisation d’activistes ou défenseurs, et même d’assassinats de certains d’entre eux attribuables aux intérêts déprédateurs des envahisseurs… Parmi ceux-ci le cas de José Tendentza fut particulièrement déplorable : ce remarquable activiste, attendu comme témoin par le Tribunal à propos du cas “Condor Mirador”, fut assassiné deux jours avant son départ pour Lima! Ce pourquoi, en une décision solennelle et très émouvante il a été décidé de dédier à sa mémoire cette session du Tribunal à Lima.

En relation à l’emblématique cas “Condor Mirador” – un parmi les nombreux projets d’exploitation minière à ciel ouvert dans la Cordillère du Condor, partagée entre l’Equateur et le Pérou, et qui a impliqué des entreprises candiennes et chinoises – il est bon de rapporter les indications précises et émouvantes de son présentateur, le dirigeant Shuar Domingo Ankuash, originaire d’Equateur: “En plus des entreprises et gouvernements prédateurs, nous avons eu aussi des indiens traîtres à leur culture. Nous, les vrais indiens, nous ne distinguons pas entre l’homme et la nature, si l’un deux disparaît l’autre disparaîtra aussi… Les minéraux ont des liens avec les plantes et avec nous… Il s’agit d’un écosystème d’une énorme biodiversité, avec des montagnes similaires aux fameux tepuyes du Venezuela… Ils ont déjà rasé 500 hectares pour commencer une mine à ciel ouvert… Ils pensent détruire un écosystème qui génère une énergie cosmique qui n’a pas de prix… La Constitution ne vaut plus rien… le gouvernement lui-même ne la respecte pas, qualifie de “terroristes” ceux qui résistent quand en réalité ce sont eux les terroristes!… Le contrat d’exploitation de l’entreprise chinoise dit que dans cette zone il n’y a ni fleuves ni indiens… Certains prêtres nous ont dit “vous trouverez la paix au ciel”, nous nous disons “nous voulons la paix ici!”   Cette dernière affirmation répond à une interprétation erronée ou une mauvaise praxis d’un christianisme authentique ou de la véritable volonté de Dieu comme l’illustrent de façon contrastée les citations comme celle mentionnée auparavant de l’actuel Pape François.

 

Il vaut également la peine de souligner la mémorable participation au Tribunal de personnalités qui ont fait montre de grande sagesse en livrant à l’auditoire de profonds messages comme celui, à quelques mots près, de Casey Camp-Horinek, de la nation Panco, Oklahoma, États-Unis: “Nos corps ne sont rien d’autre que des vêtements de nos esprits… La Terre Mère est un organisme vivant, comme nous! Le fait par exemple de la peforer avec des torrents chimiques à haute pression pour libérer les hydrocarbures de roches profondes (la nouvelle technologie dite fracture hydraulique ou “fracking”) n’equivaut à rien d’autre qu’à lui briser les os! Ce qui, en plus de la grande contamination, la destruction et les maladies que cela génère, produit de grandes secousses sismiques, comme celle intervenue récemment dans ma terre d’Oklahoma où maintenant se pratique cette vile technologie , sans nous prendre en compte, alors que nous n’avions jamais connu de secousse sismique dans toute l’histoire de la région! Ce que nous appelons la biosphère n’est qu’une extension de nous mêmes… La Terre Mère nous a averti depuis longtemps que nous avions dépassé les limites dans la gravité du préjudice… Elle se libèrera de nous si nous persistons dans notre conduite impertinente”. De Patricia Gualinga, du peuple indien Kichwa d’Equateur: “Les dits “Droits de la Nature” sont seulement une approche de ce que nous, les peuples indiens, savons depuis longtemps… Ils sont davantage qu’une chose qu’on peut réduire à la superficie de la terre ou à un arbre… Il sont un tout et ils sont en tout! Nos sages traditionnels, même s’ils ne voyagent pas, voient tout cela car depuis leurs territoires éloignés ils perçoivent le reflet de tout ce qui se passe… En plus des indiens, la Mère Nature nous parle elle-même à travers ses propres esprits et ses agents qui souffrent avec elle, réagissent ou se replient quand Elle est agressée… Les droits de la Nature doivent prendre en compte le profond équilibre au sein de laquelle elle se développe… Nous ne voyons pas tout cela parce que nous sommes malades et bloqués par notre manière de nous alimenter et notre style de vie! Si nous continuons comme nous le faisons, les êtres humains seront les premiers affectés.” De Nnimmo Bassey (Amis de la Terre, Nigeria): “Le prix du pétrole a peut-être baissé mais pas son grand coût du fait des grands dommages portés à l’environnement”. De Esperanza Martínez (Oil Watch International): “Malgré l’accablant préjudice porté à la Nature, nous ne pouvons pas nous laisser influencer par cela ou par la peur, mais plutôt continuer à défendre tout ce qu’Elle nous a donné de bon et beau. Ce sera toujours notre meilleure force et motivation.” (Sur ce dernier point, il convient d’ajouter que pour les véritables autochtones, se séparer de l’Ordre Naturel revient à se séparer de la Sagesse, comme le souligne la déclaration suivante du chef Oso Parado Luther: “Les anciens Dakota étaient des sages. Ils savaient que quand le coeur de l’homme s’éloigne de la Nature, il s’endurcit. Ils savaient que le manque de respect envers les autres êtres vivants mène aussi rapidement au manque de respect entre les êtres humains eux-mêmes. C’est pourquoi ils maintenaient leurs enfants proches de l’aimable influence de la Nature”). La Nature est aujourd’hui sévèrement menacée ou agressée de toutes parts, comme nous allons le voir dans la suite, d’où le besoin de répondre à l’appel urgent à la défendre, ce qui revient donc à nous défendre nous-mêmes et à défendre toute vie!

LES CAS PRÉSENTÉS

L’agenda serré traité au long de deux très intenses journées de travail comprenait les douze cas suivants, chacun amplement documenté avec une information très intéressante, abondante et riche, autant sur le contexte que sur les faits de terrain (en italique sont indiqués les pays ou scènes de chaque cas ou des témoins intervenant):

-Exploitation minière de Conga/Cajamarca -Pérou

Exploitation minière de Condor/Mirador-Equateur

-Marée noire de British Petroleum (BP) dans le Golf du Mexique –États-Unis-Mexique

-Grand barrage de Belo Monte sur le Rio Xingu –Brésil

-Bassin des 4 fleuves (Pastaza, Marañón, Tigre y Corrientes) en Amazonie, affecté par l’exploitation pétrolière -Pérou

-Chevron-Texaco en Amazonie -Equateur

-Grand récif de Corail –Australie

-Dommage et répression des défenseurs de la Terre Mère à Bagua –Pérou

-Fracture hydraulique dans l’exploitation du pétrole et du gaz – Global/Etats-Unis/Bolivie/Argentine

-Changement Climatique et fausse solutions –Global/Nigeria

-REDD (Réduction des Emissions par la Déforestation et Dégradation des Forêts) –Global/Etats-Unis/Kenya/Costa Rica

-Pétrole dans la réserve amazonienne de Yasuni – Equateur

Nous pourrions parler en détail de chaque cas et ses aboutissements mais il nous serait difficile de dépasser la fidélité et la précision du rapport officiel sur des sujets aussi délicats – rapport qui sera mis à disposition par les organisateurs (http://therightsofnature.org/blog/) et qui devra être considéré, quant aux faits, comme la référence définitive en cas d’une quelconque différence avec le présent compte-rendu informel et spontané.

Nous considérons donc plus pertinent et utile de nous consacrer à mettre en exergue certains aspects éloquents de quelques cas ou les traits communs entre plusieurs d’entre eux, ce qui peut être davantage révélateur des dimensions et de la nature de cette problématique ainsi que des besoins pour y faire face et y remédier de manière efficace. Quelques-uns de ces aspects:

-Acharnement inimaginable des agents agresseurs sur le terrain, aussi bien dans l’atteinte à l’environnement que dans la répression, mise à l’écart, négation des populations affectées et tenues pour inexistantes – dans la majorité des cas

-Récidive impénitente, patente dans ces cas comme ceux de Conga/Cajamarca (à propos de ce cas la synthèse lapidaire de l’expert José de Echave est impresionante : “La “politique minière” au Pérou peut se résumer ainsi : Toute l’extraction posible dans le moins de temps possible”); le barrage sur le Xingu (refusé para la Banque Mondial il y a 20 ans grâce à la grande campagne des indiens concernés et avec des alliés comme le fameux chanteur Sting , mais aujourd’hui de retour avec l’actuel gouvernement brésilien!); ou le grand épanchement de pétrole de BP dans le Golf du Mexique (où le président de l’irrresponsable BP Mondiale fut le même qui, 10 ans auparavant, comme président de BP Venezuela, avait été pris dans une histoire similaire, un projet malheureux dans l’ultra-sensible delta de l’Orénoque, mais alors rejeté à temps sous la pression des écologistes. L’entreprise ne semble pas en avoir appris grand chose entretemps puisqu’ils sont allés jusqu’à promouvoir le même dirigeant inefficient à un poste encore plus important et pour lancer un projet encore plus téméraire comme ce fut le cas aboutissant à ce désastre magistral de l’épanchement dans le Golf du Mexique!)

-Fréquente tromperie ou mauvaise foi -promesses non respectées, féroce dissimulation ou recel d’évidences de violation de la loi, y inclus encouragement à la corruption morale des locaux pour fomenter la division afin de les soumettre aux desseins de déprédation invasive – dans la majorité des cas.  

– Evidence du modèle commun de la logique dévastatrice et frénétique du lucre inescrupuleux aux dépens de la destruction du patrimoine naturel, modèle ou logique qui tendent à se répéter dans chacun des cas. Sur ce sujet, plusieurs intervenants ont noté l’importance que le Tribunal ne “juge” pas seulement des “cas” mais aussi, d’une certaine façon, les “politiques” ou “modèles” sur lesquels ces projets destructeurs se fondent. Des experts venus au Tribunal comme José de Echave, Martin Vilela, et Luis Corral ont été emphatiques à ce propos. En ce qui concerne le pétrole, il demeure impressionant de voir comment les compagnies pétrolières, se frottant les mains avidement dans une ambition commune, dans leur projets et plans ont déjà jeté leur dévolu et quadrillé tout l’arc amazonien depuis le Haut Macarena en Colombie jusqu’au sud du Pérou, sachant que sous toute cette région il y a beaucoup de pétrole! Voir la déclaration publique d’un expert reconnu et entrepreneur pétrolier (www.portafofolio.com du 10-12-14)!

-La corresponsabilité des gouvernements, corporations, et autres acteurs informels au niveau micro –ces derniers se transformant en mafias “industrialisées”, à caractère guerrillero ou paramilitaire, intimidantes pour les populations ou habitats sans défense. Quant à l’inévitable responsabilité des gouvernements, mémorable fut le suivant commentaire acerbe d’Esperanza Martinez à propos du cas désastreux du grand épanchement de pétrole de BP dans le Golf du Mexique: “BP n’a pas seulement reçu une concession, on lui a remis la mer! – avec toutes les conséquences et pour tous qu’on a vues ensuite” (faisant référence ici à la responsabilité de la licence du gouvernement d’Obama). Dans le cas du Pérou comme du Venezuela il demeure impressionnant de voir comment, aujourd’hui, la majeure partie de leurs amples territoires avec leur biodiversité ont été, de jure o de facto, attribués ou démembrés sous une délirante “approbation” officielle pour des plans pétroliers, gaziers ou miniers! – Pour le compte de qui? Qui a été consulté? (dans le cas du Pérou un intervenant à la réunion a déclaré que jusqu’à 80% de l’Amazonie péruvienne était déjà répartie en lots destinés aux projets pétroliers! Incroyable!).

-Les animaux, les plantes et leurs liens subtils mais vitaux pour l’équilibre de l’environnement sont les plus affectés et dégradés vu qu’ils disposent du moindre nombre d’avocats compatissants qui les défendent et portent plainte en leur nom.

-Stigmatisation généralisée, persécution ou criminilisation des légitimes plaignants et des protestataires – en ce sens les cas de Bagua et de Yasuni ont été particulièrement éloquents avec la même rage répressive et criminalisante qui en ont fait des causes célèbres capables de cristalliser un soutien massif et solidaire sans précédent au niveau national et international!

-Fréquents abandon des précédents par les respectifs organismes juridiques des Etats aussi bien en matière judiciaire que pénale. De ce fait, il ne fut pas étonnant de voir les visages réjouis et plein d’espoir de nombreux et humbles témoins venant au TIDN, parfois de très loin, afin de pouvoir trouver du soulagement, et, de manière très émouvante, faire connaître leurs propres arguments devant un inusuel – et disponible – Tribunal des Droits de la Nature!

AVIS ET SENTENCES

Tout cela n’a pas troublé le Jury mais au contraire l’a motivé encore davantage à remplir sa mission. Celle-ci s’est traduite dans la série suivante d’avis ou déclarations qui, en soi, constituent un signe du chemin de pionnier entamé par le TIDN (en voici la liste avec quelques commentaires non exhaustifs):

-Conga/Cajamarca: Après avoir considéré de façon extensive toute la problématique du lieu situé à 4.000 mètres d’altitude (!) où il est prévu d’installer coûte que coûte “un des districts miniers les plus grands d’Amérique Latine”; pour l’extraction d’or, cuivre et argent; aux dépens d’un ensemble de lagunes vénérées, fleuves, sources et zones humides; avec une invasion d’entreprises nord-américaines, chinoises, brésiliennes et péruviennes; ce cas fut jugé recevable. Une mission internationale sera envoyée sur les lieux afin de recueillir des informations in situ. Ce matériel s’ajoutera à celui d’autres cas péruviens afin d’organiser dans un futur proche une session spéciale du Tribunal uniquement sur les cas de ce pays.

-Cóndor/Mirador: Il a aussi été jugé recevable. Une commission spéciale sera conformée en urgence pour investiguer la violence croissante – y inclus le récent et choquant assassinat de José Tendentza – et la criminilisation des activistes dont il été considéré urgent d’assurer la protection.

BP/Golf du Mexique: Sentence à faveur des plaignants. Y inclus une demande de restauration et la suspension de tout autre projet similaire, prenant en considération que l’épanchement en question (quelques 5 millions de barils), avec les complications ultérieures par l’usage précipité de dispersants chimiques, ont produit le pire désastre en contamination marine par des hydrocarbures de l’histoire mondiale! Elever la cas à l’ONU pour que soient investigués tous les projets ou activités d’exploitation pétrolière en mer, avec un caractère d’urgence au niveau mundial. Demander au pouvoir juridique équatorien, qu’en vertu de l’impératif de la Constitution Nationale sur les Droits de la Nature, et de la littérale dimension planétaire du cas du Golf du Mexique, il se joigne au litige de façon à asseoir cet exemple comme un précédent au niveau mundial.

Belo Monte/Xingu: Déclaré recevable comme tel et comme cas emblématique des autres projets de grands barrages. Il s’agit d’un cas devenu célèbre et bien documenté au niveau mundial.

-Quatre bassins en Amazonie péruvienne: Le déclarer recevable et le traiter avec diligence en tenant compte du fait que des instances officielles péruviennes l’ont déjà reconnu comme un cas “d’urgence écologique” et d’autre part du fait que ces quatre fleuves sont des tributaires du fleuve Amazone, considérer ce dernier également comme une victime majeure (une suggestion de l’auteur de ces lignes au Tribunal) avec l’élargissement important du nombre de victimes et êtres affectés que cela supposerait!

-Chevron-Texaco: Sentence en faveur des plaignants, prenant en compte que les cours équatoriennes ont déjà statué en ce même sens sur la base de la “violation des droits de l’homme”, sentence qu’il s’agirait maintenant d’élargir à la “violation des droits de la Nature”. Ce dernier point encouragé par le fait, comme dans le cas de la BP, d’instaurer une jurisprudence, un exemple mondial. Appuyer également la demande présentée à la Cour Pénale Internationale contre le Président de Chevron Texaco Mondial pour sa persistente obstruction et son déni de l’affaire! (véritablement un cas avec de notoires côtés primitifs, irresponsables et mal intentionnés, à propos d’une somme d’épanchement de résidus toxiques – chimiques et de métaux lourds- d’environ 700.000 barils dans les fleuves, les forêts et l’habitat indien en Amazonie équatorienne tout au long de 30 années!).

-Bagua: Le déclarer recevable. Oeuvrer avec diligence pour la défense des 52 dirigeants activistes irrégulièrement traduits en justice pour avoir protesté et pour une justice réelle qui prennent aussi en considération les responsables du funeste “baguazo”. Et que le cas soit traité lors de la session spéciale du Tribunal sur le Pérou.

Fracture hydraulique: Le déclarer recevable en avançant dans le recueil de davantage d’informations en vue d’obtenir une sentence lors de la prochaine session du Tribunal, prenant en compte l’accéléré développement de par le monde de cette soit-disant “nouvelle” technologie – mais en réalité très primitive, contaminante et irrationnelle, en matière écologique – (aux Etats-Unis ils en sont à environ 800.000 puits de pétrole et de gaz utilisant cette technologie; et la Bolivie prévoit déjà de l’adopter à grande échelle pour l’exploitation du gaz).

Changement Climatique et fausse solutions: Le déclarer recevable, en prévision d’une sentence finale pour la prochaine reunion duTIDN (à Paris, en décembre 2015). Sans manquer de reconnaître la gravité du réchauffement planétaire, mais en continuant à semer entre temps davantage de conscience sur le fait qu’il n’y aura PAS de solution tant qu’on persiste à rechercher des panacées technologiques, fausses et complices de nouveaux et joyeux négoces (comme la réinjection à la terre du moderne CO2 produit massivement par l’homme, ou la tentative de masquer la lumière solaire, ou encore la modification artificielle du climat) – comme l’a démontré magistralement l’experte ingénieur Silvia Ribero (du “etcgroup.org”) lors de son intervention. Et si on ne finit pas par comprendre que ce dont nous avons besoin est un total Changement de Civilisation (y inclus le changement des modèles de production – par exemple la suspension des énergies fossiles contaminantes comme le pétrole à la faveur d’énergies nouvelles et renouvelables comme la solaire et l’éolienne; changement dans les modèles de consommation, de technologie; ainsi qu’une prépondérance retrouvée et centrale des valeurs éthiques). Ceci afin de vraiment résoudre la méga-crise écologique qui comprend, en plus du réchauffement, la massive destruction, contamination et le détraquage de la Planète.

-REDD: Sentence en faveur du rejet de cette ligne intrinsèquement anti-éthique qui en essence légitime la poursuite de la destruction de l’environnement contre l’achat de “licences pour contaminer”! – celles-ci étant supposées obtenues chez ceux qui prennent encore soin ou possèdent de vastes extensions de forêt (présumées être des “bouches d’égout du carbone”) afin que les acheteurs qui n’en posèdent pas puissent continuer à contaminer ou produire du CO2 avec leurs industries contaminantes. Avec la possibilité que ces acheteurs s’offrent également aux vendeurs pour “prendre soin” ou “potentialiser” la valeur de leurs forêts (c’est-à-dire, par exemple, avec des plantations forestières anti-écologiques destinées à la production de bois ou d’agro-combustibles…soit encore plus de négoce!).

-Grand Récif: Sentence de rejet priant instamment le gouvernement australien et les autorités internationales d’assurer avec diligence la préservation de l’intégrité et de la vie naturelle du Grand Récif (sur ses 2.300 kms déclarés Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO) – des menaces d’expansion dans des ports voisins et pour l’exploitation du charbon, du dragage et du versement préjudiciable de déchets agricoles ou industriels dans cette zone.

Yasuni: Sentence en faveur des plaignants afin d’obtenir la proscription de l’exploitation de pétrole dans la dite zone protégée – environ 9.000 hectares – où se trouve la majeure biodiversité de l’hémisphère occidental (– y inclus plus que l’ensemble de toutes les espèces de la vaste zone allant du Canada aux Etats-Unis additionnés) et habitat de deux précieuses cultures indiennes ancestrales équatoriennes qui ont opté pour l’isolement volontaire. Sentence qui exige le respect de la volonté manifestée lors du grand référendum populaire national – celui de tous les “yasuniens”- exigeant la même chose.

Finalement, les mots de conclusion de la session par le président du Tribunal, Alberto Acosta, furent d’intérêt particulier pour leur valeur de témoignage et l’actualité de ses paroles (en vertu de sa trajectoire politique personnelle antérieure): “En définitive, nous faisons face à un même modèle, commun aux dits gouvernements néolibéraux et progressistes: un même modèle d’extraction, de développement autoritaire!   Et un modèle aux promesse trompeuses: les expériences en Equateur et au Pérou avec les projets miniers montrent que l’on a terminé avec davantage de pauvreté, pas avec moins… Il faut se méfier de gouvernements qui prétendent être “révolutionnaires” et en vérité ne le sont pas! Pourquoi continuer à chercher plus d’argent si ce qu’il faut changer c’est le Système?

MES PROPRES RÉFLEXIONS A MODE DE CONCLUSION

  1. La réunion en elle-même, par tout ce qu’elle a entraîné, a constitué sans aucun doute un fait historique, prometteur et encourageant pour la cause d’une plus grande justice environnementale et sociale sur la Planète. Nous nous sentons reconnaissants et privilégiés d’avoir pu y assister. Tel qu’il est, le Tribunal réalise déjà un grand apport et sûrement pourrait apporter davantage.
  2. Mais au vu de sa nature, de ce qu’il propose, et en fonction de ceux qu’il prétend représenter – les “sans voix” ou “les sans appui”, généralement de petites communautés traditionnelles, aux frontières de zones isolées encore dotées d’abondantes richesses naturelles – non pas de “ressources” exploitables – aujourd’hui placées dans le champ de mire d’avides intérêts exploiteurs qui les ont déjà épuisés par ailleurs- le Tribunal devrait prendre soin de ne pas tomber excessivement dans des formalismes, langages ou procédures qui le séparent ou l’éloignent de la compréhension de ses simples usagers qui le nécessitent ou –pire encore- qu’il fasse le jeu du système dominant qui demande à être changé ! – ce qui est au fond la finalité de cette cause judiciaire alernative du Tribunal. En ce sens, plusieurs suggestions sur des amélioration possibles de certains espaces ou thèmes ont été mises sur le tapis au long de l’analyse que nous venons de présenter. Mais nous souhaitons maintenant en dessiner quelques autres de caractère plus global ou médullaire.

Ce n’est pas par accident que nous nous sommes réunis dans l’Hotel Bolivar de Lima et que nous sommes amenés à conclure cet article un 17 décembre, jour anniversaire de la mort de Bolivar – car rien n’arrive par hasard dans le plan divin – ce qui nous conduit à rappeler l’importance, en relation avec ce qui a été écrit avant, de cette phrase du Libertador: “Ce sont les citoyens vertueux plus que les lois qui font les républiques”. Notez comment les gouvernements mêmes de Correa et Evo Morales du sein desquels ont surgi les sources de jurisprudence principale du Tribunal – les droits de la Nature et ceux de laTerre Mère- sont justement ceux qui, en pratique, ont bafoué ces droits restés lettre morte, avec leurs politiques d’extraction avides et sans scrupule, et même autoritaires et répressives envers les dissidents défenseurs de la Nature. C’est-à-dire que les louables instruments des lois et la jurisprudence n’ont pas suffit pour freiner la déprédation de ce genre de gouvernement et les intérêts économiques des exploiteurs qu’ils ont faussement autorisés. Le régime actuel du Venezuela, promoteur initial de la “franchise populiste révolutionnaire de réchauffement” – tellement en vogue dans l’Amérique Latine des dernières années, mais qui semble aujourd’hui arriver à sa fin – s’est converti comme le principal violeur de la législation sur l’environnement du pays, allant récemment jusqu’à la dissolution sommaire du Ministère de l’Environnement qui fut le premier à être institué en Amérique Latine

C’est donc seulement avec une Conscience et une Ethique intériorisées – même non écrites ni formalisées sinon dans les coeurs – comme il en a majoritairement été avec la spiritualité indienne et les autres spirtualité authentiques du monde; visant une ferme et ample compréhension et mobilisation, que l’on pourra avoir du succés dans cet affrontement avec le système actuel et pour l’obtention d’un monde autre et meilleur.

Le nécessaire et utile revêtement juridique du Tribunal afin de pouvoir attirer l’attention sur ces sujets, ne doit jamais lui faire perdre de vue que la majeure assise de sa force et de son autorité repose sur le terrain de l’éthique et du changement de conscience. Terrain qui, en plus de la jurisprudence et de cadres comme ceux de la Constitution Equatorienne, la Déclaration de Cochabamba ou les Droits de l’Homme – avec toutes leurs qualités et défauts de créations humaines relatives – doit surtout en référer aux préceptes plus justes et absolus de la propre Nature, Terre Mère, Ordre Naturel ou Divin – ou comme on souhaite dénominer cette plus infaillible “jurisprudence supérieure”. Ordre Naturel qui suppose plus de “devoirs” que de “droits” et davantage “d’être” que “d’avoir”, comme guides pour la pensée et l’action.

Ordre Nature qui révèle les préceptes ou lois suivantes, répétées dans toutes les traditions qui les ont reconnues et vénérées comme fondement de relations plus harmonieuses entre les humains et avec cet Ordre même: La “Loi de l’Unicité de la Vie” (ou la maxime chamanique “Tout est un et tout est vivant”); la “Loi de Cause et Effet” (toute action induit une inevitable conséquence, réaction ou interaction), la “Loi des Cycles” (tout se meut en continus cercles spiralés), la “Loi de l’Impermanence” (la seule chose constante dans ce monde est que rien n’est constant), la “Loi de l’analogie” (le microcosme reflète le macrocosme et vice versa), la “Loi de la Complementarité des Pôles” (dans l’Ordre de la Nature les pôles naturels ne sont pas antagonistes mais complémentaires), la “Loi de l’Unité dans la Diversité” (base également du dialogue entre toutes les autentiques religions ou spiritualités vu que sous cette loi nous sommes tous frères, et fils d’un même Créateur ou Dieu qui nous a parlé de diverses manières, formes et couleurs mais toujours avec un même Plan commun essentiel. Toutes ces lois impliquent des conséquences et fournissent des repères pratiques pour le comportement le plus correct de tous les êtres de la Création, en commençant par les propres humains! Nous ne pouvons pas nous étendre ici, pour d’évidentes raisons, sur ce sujet qui a été davantage traité par l’auteur dans les oeuvres citées à la fin de cet article – et mises à la disposition du Tribunal.

  1. Au vu de ce qui précède, nous nous risquons d’autre part à proposer au Tribunal, en plus de la spiritualité indienne qui heureusement figure déjà naturellement comme grande conseillère, qu’il se fasse assister aussi par la sagesse d’autres grandes et authentiques spiritualités qui aient quelquechose à dire à propos de la défense de la Terre Mère – pratiquement toutes – vu que le Créateur les a toutes investies dans leurs pures origines de toute la sagesse et délicatesse nécessaires pour le meilleur respect, soin et communion humaines dans l’Ordre Naturel; et aussi pour atteindre les diverses populations du monde à travers leurs credos respectifs mais dans une commune et supérieure dimension prophétique répondant aux temps actuels… Versus la “civilisation” profane, matérialiste, prédatrice et suicidaire qui prétend vainement régner en ce monde. Face aussi à l’énorme, vitale et urgente tâche de Changement de Conscience requise pour secourir la Terre Mère et avec Elle nous aussi – dans le respect du Plan du Créateur!

[1] * Ex-ambassadeur du Venezuela en Inde, écrivain, activiste écologique spécialiste de la petro-exploitation, auteur des livres: “Del Materialismo al Bienestar Integral: El Imperativo de Una Nueva Civilización” (Editorial Texto / Ediciones Vivir Mejor, Caracas,1995), “Petróleo y Globalización: Reflexiones a las Puertas del Nuevo Milenio para Una Nueva Civilización” (Vadell Hermanos, Caracas, 1998); “Autodeterminación Humana y Leyes del Orden Natural “ (Editorial Texto / Ediciones Vivir Mejor, Caracas, 2001); “El Rescate de la Sabiduría Indígena Ancestral” (Premio Municipal de Literatura 2011 en Caracas) –con EE Mosonyi;