Se faire plaisir est-il encore bon pour ma santé ?

Commentaire. Faut-il se priver de tout plaisir pour être en bonne santé ?

Un texte de Laurent Chambaud repris par le point et par médiscoop pose cette question.

Nous sommes entourés d’injonctions tant positives que négatives. Ne pas boire, ne pas fumer, ne pas prendre de risque, surveiller son cholestérol, mettre sa ceinture de sécurité, porter un masque anti grippe, faire de l’exercice régulièrement, manger 6 fruits et légumes par jour. Mettre un casque en vélo et des bouchons d’oreille pour les concerts de rock. Eviter les forêts infestées de tiques et donc de Lyme. La liste est sans fin.

Et le plaisir dans tout cela. N’est-il pas le moteur de la santé et de la vie ? 

L’ensemble de ces injonctions n’est-il pas issu de la peur, donc quelque part déjà de la mort ?

Comment ne pas penser à Winston Churchill buvant 2 litres de whisky par jour, fumant d’innombrables cigares et affichant glorieusement « no sport ».

Nous connaissons le proverbe « Une pomme par jour éloigne le médecin » et Churchill rajoutait « à condition de savoir bien viser ».

Alors pensons à la phrase de France Gall, « Ce qui compte c’est d’avoir envie ».

 

L’ARTICLE :

Dans une tribune du magazine Le point, Laurent Chambaud, médecin et inspecteur général des affaires sociales, directeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) – USPC, pose la question de ces injonctions multiples des autorités publiques visant à réguler nos modes de vie – ne pas boire, ne pas fumer, ne pas se droguer, ou encore attacher sa ceinture, manger 5 fruits et légumes par jour, utiliser des préservatifs, manger sans gluten sans lait, ni trop gras ni trop salé…- qui sont aussi synonymes de privations et d’obligations.

Or Laurent Chambaud fait le constat que si les injonctions sont nombreuses, elles sont quasi toujours associées aux risques que nous encourrons (tabac), ou aux dommages que nous créons (sécurité routière) , mais très rarement au bonheur que nous aurions à nous comporter comme tel, aux bénéfices que nous recevrions de vivre plus sainement. Il constate que ces messages font appel le plus souvent à notre rationalité, alors que d’autres voies sont possibles.

« On peut penser que l’accumulation des messages d’alerte finit, à la longue, par devenir contre-productive. Voire même oppressante, donc nocive pour la santé ! Plutôt que de bannir le plaisir de nos vies, ne pourrait-on pas imaginer une autre façon de préserver notre bien-être ? […]Il existe une autre manière de voir l’éducation à la santé, différente d’une vision moralisatrice et normalisatrice […] Réinventer la prévention, c’est d’abord réintroduire la notion de plaisir dans les messages de santé publique. […]Cette approche différente vise, dans ses principes, à l’autonomie et au renforcement des capacités des individus »

Laurent Chambaud propose d’ouvrir des débats en fonction des régions, des territoires, de réfléchir à des politiques de prévention en fonction de chaque individu plutôt qu’à travers des normes qui opposent « le déviant » face à l’« individu épanoui, beau, heureux et socialement bien intégré. […] Les interventions de santé publique doivent être imaginées avec les personnes concernées. Ceux qui les conçoivent doivent écouter leur vécu par rapport à la santé, respecter leur culture tout en interrogeant leurs valeurs. »

Quelle couleur aurait en effet une prévention sur mesure, un lien vers le bonheur à acquérir , où les experts en prévention mettraient à profits leurs connaissances tout en continuant à se remettre en question afin que celles-ci ne soient pas figées ?

Et Laurent Chambaud de conclure :« Sur l’alcool, l’alimentation ou la sexualité, les règles édictées par des autorités sanitaires qui se contredisent parfois entre elles finissent par paralyser les individus. Elles dessinent dans nos têtes une cartographie infernale représentant mille dangers qui nous guettent à chaque instant. Il est temps d’imaginer une prévention sur mesure pour chacun, mais aussi de reconnaître tous les facteurs qui façonnent collectivement nos comportements. Pour retrouver le plaisir de vivre en bonne santé, et d’un bien-être collectif. »

RW TF

Sources :

http://www.lepoint.fr/sante/faut-il-vraiment-se-priver-de-tout-plaisir-pour-rester-en-bonne-sante-22-05-2017-2129399_40.php

https://www.mediscoop.net/index.php?pageID=cb53f5de592ddcc15e23fd31d56a9a57&midn=9521&from=newsletter

 

Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 166