PUISQUE NOUS SOMMES IMPARFAITS, AUTANT LE PRENDRE AVEC HUMOUR… – Journal Réel n°116
Le triangle dramatique Victime Bourreau Sauveur de l’analyse transactionnelle peut être revu au regard de nos fonctionnements, des nouvelles modes, et avec humour.
Il pourrait même se transformer en Victime Bourreau Sauveur – “Barré”.
A choisir prenez victime.
Des trois positions, celle de victime est sûrement la plus valorisée de nos jours et celle qui va vous apporter le plus de bénéfices secondaires et l’attention de l’autre, sans compter la possibilité avec notre souffrance de manipuler la situation.
Tout de nos jours valorise cette position.
Depuis le livre “Les manipulateurs sont parmi nous” et le mythe du pervers narcissique, la victime a trouvé son titre de gloire et bien évidemment la possibilité d’avoir toujours son “méchant de service”. La victime souvent fabrique son bourreau, permettant ainsi de se refaire une virginité, et une totale irresponsabilité.
Cela me fait penser à Valmont dans “Les liaisons dangereuses” répétant le perpétuel “ce n’est pas ma faute”. Soyons clairs, si ce n’est pas de votre faute, vous n’y pouvez rien et cela va donc durer éternellement.
Quoi de mieux pour tourner en rond toute sa vie.
Mais la victime réalisant son état peut aussi quitter le victimaire du Tu qui Tue, pour aller vers le Je, moi Je.
Le juste “courage d’être soi” peut alors dépasser son but et devenir bourreau sanctifié par l’affirmation de soi. La crête est fine et les pentes raides. La vigilance et la remise en question perpétuelle sont plus que nécessaires, indispensables.
Au règne du développement personnel, l’autre pourrait alors être sacrifié à la manifestation de notre accomplissement.
Et nous voilà tout droit vers le sauveur. Quoi de plus noble que de se dire que l’on s’occupe de l’autre pour le sauver. Combien de couples ont échoué sur l’idée de changer ou de sauver l’autre. Quel orgueil finalement. Encore un beau moyen de se fuir soi-même. La meilleure ou la pire des excuses.
Mais le supermarché de l’évolution spirituelle et des dernières techniques de développement personnel nous offrent encore une nouvelle possibilité. “Barré” ou “je me barre”, ce qui en langage populaire veut dire parti ailleurs. La tentation est grande de s’imaginer un autre monde, de penser que l’on peut créer sa propre réalité dans un ailleurs, faisant fi du monde réel. Confondre foi – engagement profond dans la vie réelle et foi – échappement.
Le 19ème siècle a vu fleurir les couvents, le 20ème les groupes ésotériques et multiples “canals”, reprenant souvent des symboles néo-chrétiens comme bien évidemment Marie-Magdeleine reprise à toutes les sauces, ou la grande mode des Anges et même Saint-François d’Assise. Quoi de plus facile que de se référer à un groupe, comme à un ordre et d’y chercher une force et une identité. Avec tout le risque de jeux de pouvoir inconscients. Le groupe devenu alors une prothèse du moi. Illusion de la perfection, qui peut vous faire perdre les vrais liens dans la vie réelle. Car réfléchissons bien, le miracle de l’amour, c’est de savoir vivre l’imparfait. Entre repères compensatoires et dépendance, là encore la crête est étroite.
Mais au final tout cela ne nous permettra que de fuir l’essentiel, “ soi-même “.
La difficulté d’être et de l’assumer.
Le travail du centre reste le primordial. Bien sûr, c’est face au monde que nous apprenons à nous révéler, mais l’essentiel se passe en nous, tout le reste n’est que leurre. Tout ce qui nous décentre nous égare.
Vous avez dit manipulateur!
Éloge de la manipulation.
Dirais-je avec un humour un peu provocateur.
Revenons à notre origine. Tout petit mammifère, comme nous l’avons tous été, a besoin pour survivre d’attirer l’attention de ses géniteurs parents et entourage. Cris, pleurs, colères, bêtises, clown, satisfaction, réussite, tout est bon.
La manipulation est essentielle à l’humain. Sa survie est à ce prix. C’est parce qu’enfant, nous avons su le faire que nous sommes vivants aujourd’hui.
Nous sommes tous passés par là, autant le reconnaître.
Les années et les expériences nous ont appris à trouver d’autres voies, à reconnaître notre besoin, à le dire ouvertement et à l’assumer.
Mais qui peut dire : “moi je ne suis plus du tout comme cela, jamais”. En fait une part de nous reste prise dans la manipulation. Le nier, c’est y rester.
Le voir chez l’autre c’est refuser de le voir chez soi.
Imaginer que le problème est forcément chez l’autre et pas chez soi.
Nous sommes tous manipulateurs à notre tour dans ce qui est difficile pour nous. Chaque fois que nous ne voulons pas voir une souffrance de nous-même, nous pouvons employer cette méthode. Et quand, en cédant à la mode, nous traitons l’autre de manipulateur ou de narcissique pervers, n’est-ce pas de nous-même que nous parlons.
Alors nous pouvons choisir entre les différentes échappatoires “victime, bourreau, sauveur ou barré”, et le cercle continue.
Alors pourra se démasquer ce dont nous parle Henri Laborit.
« L’homme entretient de lui une fausse idée qui, sous la pelure avantageuse de beaux sentiments et de grandes idées, maintient férocement les dominances ».
L’important c’est de VOIR.
Le plus simple n’est-il pas de reconnaître ce que je suis. Accepter que toute ma vie, je ne serai qu’un chercheur de moi-même, je suis imparfait et je le confesse, J’essaye autant que faire se peut de le voir chaque jour. J’essaye de m’occuper de voir ce qui est en moi, plus que les défauts des autres, voilà déjà un beau travail.
La perfection n’existe pas, essayons simplement de reconnaître le plus possible notre totale imperfection.
Souvenons-nous du sketch de Coluche disant “je suis con et bien je suis rudement content d’être con”. Il tournait ainsi en dérision ceux qui pensaient avoir compris le monde et la vie. Lui avait sûrement réalisé notre limite et l’obligatoire modestie qui nous fait du bien à tous.
Avez-vous vu les murs des gares ces jours-ci, Coluche est en affiche à côté de Gandhi, une reconnaissance pour cet homme qui a foulé au pied les apparences et les manières pour mieux faire ressortir le fond des êtres et le vrai visage de leur cœur, et créer les restos du cœur.
Notre nature est par essence imparfaite, autant le prendre avec humour.