Où les femmes enceintes utilisent la médecine alternative, en douce

Commentaire.

Publié dans la lettre de Médecine du sens n° 31

C’est tout à fait rassurant sur l’avenir de voir que c’est au moment de la grossesse que les femmes utilisent le plus les médecines douces.

En même temps cela se fait d’une façon essentiellement cachée (en douce) et dans le même temps le médecin classique ne cherche pas la plupart du temps à savoir.

Deux mondes qui ont besoin de se rencontrer.

L’ARTICLE :

La médicine alternative et complémentaire est définie par l’OMS comme un ensemble de pratiques ne faisant pas partie de la tradition d’un pays ou non intégré de façon dominante dans le système de santé. Aux Royaume-Uni, 20 à 28 % de la population y a recours, et les femmes enceintes sont à l’avant-garde de cette tendance, sans doute parce que les médecines non conventionnelles (MNC) sont considérées comme naturelles et de ce fait inoffensives.

On en sait peu sur l’innocuité des MNC alors que certaines d’entre elles utilisent les principes actifs pharmacologiques de plantes sans être régulées aussi strictement que les médicaments. Nombre de patientes ont recours aux médecines alternatives sans en informer leur médecin, ce qui peut retarder la mise en route de traitements conventionnels ou interférer avec eux, mettant la santé de la mère et/ou de l’enfant en danger.

Qui recommande les MNC ? En Norvège, la médecine par les plantes est essentiellement conseillée par la famille et l’entourage, alors qu’en Allemagne ce sont les sages-femmes qui jouent un rôle majeur en préconisant certaines de ces médecines pour la grossesse et l’accouchement. La prévalence de recours aux médecines alternatives pendant la grossesse se situe entre 26 et 70 % selon les pays (Royaume-Unis, Allemagne, Norvège, États-Unis, Australie).

Trois cent quinze patientes ayant accouché à la maternité de Birmingham (Royaume-Unis) ont été interrogées sur leur utilisation des MNC : 33 %  ont eu recours à au moins une médecine non conventionnelle avant la grossesse et 57 % pendant la grossesse. Lorsqu’on exclut les femmes qui consomment des vitamines ou suivent une diététique spécifique, la prévalence est de 40 %. Les soins alternatifs les plus communément utilisés (en dehors de la prière) sont les massages (14 %), le yoga (11 %), la relaxation (10 %) – très répandue en préparation à la naissance -, l’aromathérapie (5 %) et les herbes médicinales – essentiellement les infusions de feuille de framboisiers – (5 %). Ces résultats sont différents de ceux connus en dehors de la période de grossesse, ou ce  sont l’ostéopathie, la chiropraxie, l’homéopathie et l’acupuncture qui ont les faveurs des patients.

L’objectif principal de ces traitements est la relaxation et la préparation à l’accouchement mais aussi pour soulager des symptômes tels que les nausées et vomissements ou des problèmes sans rapport avec la grossesse (rhume). La plupart des femmes ont été conseillées par leurs amis ou leur famille. Un tiers des femmes qui ont eu recours à une MNC a consulté un praticien spécialisé (massage, yoga, réflexologie). L’homéopathie et l’acupuncture sont très peu citées (2 à 2,5 %) à l’inverse de ce qui se passe en Allemagne par exemple.

Les utilisatrices de MNC ne se distinguent pas des autres en terme d’âge, situation matrimoniale ou origine ethnique, par contre elles ont un niveau scolaire supérieur, sont plus souvent des primipares et elles employaient déjà les médecines alternatives avant la grossesse.

Dans 33 % des cas, elles n’ont pas informé leur soignant qu’elles y avaient recours, un chiffre en baisse par rapport aux études précédentes, suggérant que les patientes sont mieux informées des risques et qu’elles ont plus l’opportunité d’en discuter avec leur sage-femme ou leur médecin ; 26 % de celles qui utilisent une médecine ayant potentiellement un effet sur la grossesse (médecine chinoise, herbes médicinales, suppléments vitaminiques, régime alimentaire spécifique) n’ont pas prévenu leur soignant. Dans 81 % des cas, le praticien ne les a pas interrogées sur ce sujet : il existe donc une proportion non négligeable de patientes utilisant des MNC potentiellement néfastes.

Une forte proportion des femmes a entendu parler des médecines traditionnelles par l’entourage ou la famille, et dans une moindre mesure par leur soignant, ce qui implique que ceux-ci soient à même de les informer efficacement. De ce fait, des études sérieuses établissant l’efficacité et l’innocuité des différentes MNC sont nécessaires, de même qu’il serait intéressant que des études similaires soient pratiquées en France afin de mieux connaître les pratiques dans notre pays.

Marie Gélébart

Références

Hall HR et coll. : Women’s use of complementary and alternative medicines during pregnancy: Across-sectional study. Midwifery 2014 ; 30 : e499–e505

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