« Moustiques OGM contre Zika »
Commentaire. Soigner le mal par le pire ou comment continuer à jouer aux apprentis sorciers ? Souvenez-vous de Jurassique Parc. Les apprentis sorciers ne fabriquent que des femelles pour éviter tout risque de dissémination des dinosaures. Mais la nature trouve quand même le chemin vers la reproduction. Les risques de la dissémination à grande échelle de gènes transgéniques mettrait la chaine de reproduction face à d’énormes problèmes.
La dissémination de moustiques répandant de nouvelles maladies est un des éléments de la modification par l’espèce humaine des équilibres naturels. Quand réaliserons nous que nous ne pouvons pas faire mieux que la nature ? Et que son observation est le plus grand des génies.
L’ARTICLE :
« Éliminer les moustiques qui transmettent des virus comme Zika mais aussi la dengue et le chikungunya, tel est l’objectif. Pour cela, les Brésiliens ont construit la première usine au monde de moustiques transgéniques [inaugurée le 26 octobre, à Piracicaba, à 140 km de São Paulo] », révèle Marie Quenet dans Le Journal du Dimanche. « Oxitec, l’entreprise de biotechnologie qui en fabriquait déjà en quantités limitées, s’est lancée dans la production industrielle de moustiques génétiquement modifiés. Leur mission : éliminer leurs congénères susceptibles de transmettre le virus… en copulant », précise-t-elle.
Elle explique que « les mâles OGM sont rendus dépendants à un antibiotique, la tétracycline, qui n’existe pas dans la nature. Relâchés, ils ne survivent que quelques jours pendant lesquels ils s’accouplent avec des femelles « sauvages ». Leur progéniture, porteuse du gène modifié, meurt à l’état larvaire sans pouvoir piquer. La population de « méchants » moustiques diminue donc à chaque génération ». Avec pour « objectif : une capacité de 60 millions de larves par semaine ! », « c’est la première et la plus grande fabrique au monde de moustiques transgéniques »,  se réjouit Hadyn Parry, PDG d’Oxitec, la start- up née en 2002 à l’université d’Oxford, en Angleterre.
« De quoi lâcher prochainement 10 millions d’insectes par semaine – uniquement des mâles qui, contrairement aux femelles, ne piquent pas – sur un secteur de cette ville de 390.000 habitants », poursuit la journaliste.
« L’opération est intéressante car elle se déroule à grande échelle dans un contexte épidémique grave. Au Brésil, l’Aedes aegypti, le moustique sauvage, transmet non seulement Zika mais aussi la dengue et le chikungunya. Or il n’existe rien : ni vaccin ni traitement. Le Brésil tente donc, par tous les moyens, d’éliminer ces insectes qui transmettent les virus», salue la chercheuse Anna- Bella Failloux, La journaliste précise que « l’Aedes friendly – aussi baptisé OX513A – a déjà fait l’objet de cinq tests entre 2011 et 2014, au nord- est du Brésil, au Panama et aux îles Caïman. Avec succès : la population d’Aedes aegypti aurait chuté de plus de 90% ! ».
Cependant, « si le moustique disparaît, cela risque de bouleverser la chaîne alimentaire de certains animaux.  Le gène mutant peut aussi migrer vers une autre espèce et la faire disparaître. Ne jouons pas aux apprentis sorciers ! », s’inquiète Benoît Hartmann, porte- parole de l’association France Nature Environnement.
« Des questions se posent. Est-on sûr, par exemple, que les moustiques transgéniques ne survivent pas dans la nature ? L’antibiotique dont ils ont besoin peut se trouver à certains endroits : près des hôpitaux, des abattoirs, dans les égouts… Et si certains survivent, on ne peut écarter totalement le risque du passage du gène modifié vers une autre espèce », reconnaît Frédéric Simard, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), qui soutient néanmoins « cette piste prometteuse ».
« En réalité, pour éliminer, même localement, les Aedes aegypti – et non l’ensemble des 3.500 espèces de moustiques –, il faudra conjuguer différentes méthodes : élimination des eaux stagnantes, pulvérisation d’insecticides et nouveaux outils. Cet été, l’Organisation mondiale de la santé recommandait ainsi « le déploiement pilote » de deux approches distinctes : d’un côté, des moustiques Aedes aegypti infectés par la bactérie Wolbachia empêchant les virus de se répliquer à l’intérieur des insectes ; de l’autre, les moustiques transgéniques d’Oxitec », souligne la journaliste.
Seuls les insectes OGM ne « sont pas la solution miracle. Il restera toujours les Aedes albopictus, les moustiques- tigres, également vecteurs des virus. Si on élimine un fléau, cela laisse le champ libre à un autre », estime la spécialiste de l’Institut Pasteur.
Autre difficulté : « La méthode génétique coûte excessivement cher. Le jour où vous arrêtez de libérer des insectes mutants, les moustiques sauvages reviennent. Pour les éliminer à long terme, il faudrait donc des lâchers continuels », poursuit-elle.
« La mairie de Piracicaba devrait verser 1,1 million de dollars sur quatre ans à Oxitec. L’entreprise, qui négocie avec plusieurs villes et États du Brésil, vise aussi les Etats-Unis, où l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) vient d’autoriser le projet », précise l’article .qui évoque « d’autres pays sans doute intéressés », concluant que « l’usine de moustiques OGM s’annonce rentable »…
Date de publication : 21 Novembre 2016
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Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 141