Macron : le frère de son mentor chez Drahi démissionne pour conflit d’intérêts
Le château de cartes constitué par Macron est fragile. Pas seulement chez ses électeurs, mais parmi ses ralliés politiques. Nombre de brebis galeuses, ou pour le moins encombrantes, s’y retrouvent, de Delanoë à Cohn-Bendit en passant par ce que la gauche et une certaine droite ont de plus démonétisé, pour employer une expression du journal Le Monde, comme Bernard Kouchner, Alain Minc, Cavada, Corinne Le Page, Alain Madelin, Robert Hue… Pas vraiment des perdreaux de l’année. Un aréopage hétéroclite dont on se demande ce qu’ils feraient ensemble demain tant ils sont différents, si jamais Emmanuel Macron accédait au pouvoir.
Tiendront-ils jusqu’au 7 mai ? Première défection d’envergure, celle de Jean-Jacques Mourad, frère de Bernard Mourad. Rappelez-vous, Bernard Mourad, un ancien de la banque Morgan Stanley, avait « offert », avec la complicité d’Emmanuel Macron, le groupe SFR à Patrick Drahi. Pour le remercier, le magnat de la presse l’avait nommé à la tête du très gros groupe de médias (L’Express, BFM TV, etc.). C’était avant qu’Emmanuel Macron ne se lance en campagne. Macron et Mourad sont de vieux amis de plus de dix ans. Une amitié qu’il fallait récompenser. En octobre dernier, Patrick Drahi a donc « offert » à Macron son précieux Bernard Mourad au poste de conseiller spécial.
C’est donc tout naturellement que, devenu membre important de l’équipe de campagne, ce dernier a nommé son frère, Jean-Jacques, cardiologue reconnu, conseiller du pôle santé de Macron. Mais voilà, mardi, on apprenait par un communiqué qu’il mettait un terme à sa participation à la campagne présidentielle. Le Formindep (association pour une formation et une information médicales indépendantes) venait de révéler les liens privilégiés que le cardiologue entretenait avec le laboratoire Servier.
« Qui parle ? Le porte-parole de Macron ou le speaker de Servier ? »
avait demandé dans un tweet, dimanche, le Formindep en indiquant que le médecin avait été largement rémunéré pour ses 66 interventions faites au cours de colloques médicaux organisés par le laboratoire. Servier lui avait même consenti 80.000 euros en frais de bouche et de voyages !
Conflit d’intérêts nié par le candidat qui, pourtant, avait proposé lors de son discours de Nevers, le 6 janvier dernier, de mieux rembourser les médicaments contre l’hypertension artérielle sévère, en majorité fabriqués par… Servier !
Jean-Jacques Mourad, qui a affirmé pour sa défense qu’il n’y aucun rapport entre ses liens avec Servier et cette mesure, précise : « C’est vraiment méconnaître l’histoire du médicament et de son remboursement », assurant que le taux de remboursement par l’assurance maladie ne changeait rien pour le chiffre d’affaires des laboratoires.
Mais Irène Frachon, la pneumologue qui a mis le scandale du Mediator au jour, a aussi réagi :
« C’est du jamais vu ! Je suis sidérée par le niveau d’avantages, de cadeaux et de conventions menées quasi exclusivement avec Servier. Ce serait bien que les candidats à la présidentielle sachent que la transparence est en marche. »
Il fallait à tout prix éviter la polémique et, pour ce faire, prendre les devants. Cette démission, et ce qu’elle a révélé au grand jour de la façon dont M. Macron a préparé sa campagne, son programme et son équipe, commence à jeter des ombres sur cette figure, que l’on s’est pourtant obstiné à nous montrer si lisse et si transparente…
Floris de Bonneville
Journaliste
Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma