« Les ratés de l’Avastin, ou comment passer à côté de grosses économies »
Commentaire. Prix des médicaments. Nous en avons souvent parlé, le crédo des labos c’est les médicaments de cash boursier.
Le médicament contre l’hépatite C, le sofosbuvir en est un bel exemple, à 46.988 euros le traitement alors qu’il ne coute qu’une centaine d’euros.
Mais il y a mieux. Il y a pour la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) deux médicaments qui appartiennent au même laboratoire le très Suisse et très financier laboratoire Roche. L’un, le Lucentis est commercialisé à 1000 euros par mois par le copain Novartis. L’autre l’Avastin qui marche largement aussi bien est commercialisé par Roche à quelques dizaines d’euros.
Différence 340 millions d’euros que vous et moi payons par la Sécurité Sociale.
Il se trouve que l’Avastin prévu au départ pour soigner certains cancers, fonctionne aussi, et très bien, sur la DMLA. Zut alors, comment Roche va t-il faire son beurre boursier. Bah en bloquant la diffusion de l’Avastin par tous les moyens possibles.
Et que font nos gouvernements ? Rien en pratique, malgré toutes les recommandations.
Il y a 2 semaines nous parlions des médicaments contre la maladie d’Alzheimer qui ont couté pour rien 4 milliards ces dernières années. Rajoutez 340 et d’autre encore.
Comme disez Coluche « Rigolez pas, c’est vous qui payez ».
L’ARTICLE :
Daniel Rosenweg constate en effet dans Le Parisien que « les autorités de santé ont eu beau prendre le taureau par les cornes pour faciliter l’utilisation du très peu cher et très efficace médicament Avastin dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), les économies espérées ne sont toujours pas au rendez-vous ».
Le journaliste relève que « contre l’avis du fabricant, Roche, le ministère de la Santé a même lancé une procédure exceptionnelle de RTU (recommandation temporaire d’utilisation), indispensable pour les ophtalmologistes qui voudraient utiliser l’Avastin ».
« Ce médicament n’a en effet pour l’instant été autorisé en France que dans le traitement du cancer. Objectif de cette bataille procédurale ? Imposer l’Avastin face au très coûteux et hégémonique Lucentis des laboratoires Roche commercialisé par Novartis », rappelle-t-il.
Daniel Rosenweg note qu’« initialement, l’injection du Lucentis flirtait avec les 1 000 € quand l’Avastin ne revenait qu’à une cinquantaine d’euros. Efficace, le Lucentis est devenu le 4e médicament le plus remboursé par l’Assurance maladie : 318 M€ en 2014. C’est dire l’enjeu économique ».
La CNAM indique toutefois dans son rapport annuel que « 9 mois après son instauration, la RTU Avastin n’est à ce jour que très peu utilisée, malgré les données rassurantes disponibles ». Le Pr Laurent Kodjikian, chef de service adjoint aux Hospices de Lyon et secrétaire général adjoint de la société française d’ophtalmologie, précise ainsi qu’« au 30 avril dernier, sur 600 injections pratiquées, une seule contient de l’Avastin ».
La CNAM souligne que « les leviers à mobiliser concernent à la fois les conditions pratiques de son utilisation, mais aussi l’adhésion des prescripteurs ». « Une manière diplomatique de dénoncer un vrai ratage des autorités de santé », remarque Daniel Rosenweg.
Le journaliste explique que « rédigée par la Direction générale de la santé, sur la base des travaux de l’Agence nationale de sécurité du médicament, la RTU censée faciliter le recours à l’Avastin est aussi un formidable obstacle ».
Le Pr Kodjikian remarque que « cette recommandation temporaire d’utilisation précise que le recours à ce médicament doit être indispensable ». « Or, il n’est pas «indispensable» puisqu’il existe deux autres spécialités, le Lucentis et l’Eylea », note Daniel Rosenweg. Le Pr Kodjikian poursuit : « Comment expliquer au juge notre choix en cas de problème grave ? Il faut sécuriser juridiquement le recours à ce produit ».
Daniel Rosenweg ajoute que « le Pr Laurent Kodjikian qualifie par ailleurs de «floues» et de «trop contraignantes» les précautions médicales imposées. Pour préparer les seringues, un appareillage aseptisant est nécessaire. Il coûte 100.000 € et devait être réservé exclusivement à l’Avastin ! «Les autorités viennent seulement de modifier le texte», lâche le médecin ».
« Enfin, l’Avastin n’est disponible qu’à l’hôpital, où il nécessite une hospitalisation, alors que 80% des cas de DMLA sont traités par la médecine de ville… Quant à l’adhésion des prescripteurs, les ophtalmologistes semblent prêts à favoriser cette molécule plus économique. Ils l’ont démontré le 8 mai lors de leur congrès en applaudissant massivement une consœur qui réclamait haut et fort une simplification des procédures », conclut le journaliste.
Date de publication : 18 Juillet 2016
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Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 144