Les benzodiazépines mènent-elles à l’Alzheimer ?

Commentaire

L’ARTICLE :

Malgré les recommandations, les benzodiazépines restent majoritairement prescrites au long cours chez les personnes âgées. Cela est particulièrement préoccupant, d’autant que l’effet délétère de ces molécules sur la mémoire et les fonctions cognitives est maintenant bien connu. Ce qui l’est moins en revanche est l’éventualité d’un lien entre l’usage au long cours des benzodiazépines et une augmentation du risque de démence. Il est vrai que son exploration se heurte à des difficultés méthodologiques. Des troubles du sommeil et de l’anxiété peuvent en effet précéder de quelques années l’apparition de la démence. La prescription de benzodiazépine pourrait favoriser la maladie, mais elle peut aussi être décidée pour traiter des symptômes précédant son apparition.

La méthodologie d’une étude publiée par le British Medical Journal semble contourner cet écueil. Il s’agit d’une étude cas-témoins, dans laquelle ont été inclus des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Etaient considérés comme exposés aux benzodiazépines les sujets dont la première prescription datait de plus de 5 ans avant l’apparition des premiers troubles démentiels. Ce délai permettait d’écarter le plus possible le risque de prescription pour des prodromes. Près de 1 800 patients atteints ont ainsi été inclus et comparés à 7 000 sujets témoins.

L’utilisation des benzodiazépines dans les 5 à 10 ans précédant l’apparition des troubles est associée à une augmentation de 50 % du risque de maladie d’Alzheimer (Odds Ratio [OR] 1,51 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,36 à 1,69). L’ajustement pour l’anxiété, la dépression ou l’insomnie ne modifie pas significativement les résultats. La durée du traitement en revanche semble être un facteur déterminant. Si aucun lien n’apparaît quand la prise de benzodiazépines est équivalente à une prise quotidienne sur une durée inférieure à 3 mois, le risque augmente au-delà en fonction de la densité de d’exposition. Il est augmenté de 32 % pour des prescriptions allant de 3 à 6 mois d’équivalent prise quotidienne, et de 84 % pour des prescriptions supérieures à 6 mois. Le risque augmente aussi avec la demi-vie de la molécule utilisée, passant d’une augmentation moyenne de 43 % pour les benzodiazépines à ½ vie courte à 70 % pour les ½ vies longues.

Avec l’allongement de la durée de vie, l’augmentation de prévalence de la maladie d’Alzheimer va devenir préoccupante. Aucun traitement préventif ni curatif ne peut actuellement se prévaloir d’une efficacité acceptable. C’est la raison pour laquelle la recherche de facteurs de risque modifiables doit être actuellement une priorité. Si l’explication biologique d’un lien entre l’utilisation des benzodiazépines et la maladie d’Alzheimer n’est pas encore claire, les données de cette étude devraient servir à sensibiliser encore plus les praticiens et les inciter à peser plus étroitement les bénéfices et les risques du traitement au moment de son initiation ou de son renouvellement.

Dr Roseline Péluchon

Références

Billioti de Gage S et coll. : Benzodiazepine use and risk of Alzheimer’s disease:

case-control study. BMJ 2014; 349: g5205.

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