» Le Soi hanté » de Onno Van Der Hart
Commentaire. Texte très intéressant sur les conséquences des traumatismes chroniques, particulièrement pour ceux qui vivent encore au quotidien avec les personnes qui les ont traumatisé.
N’oublions pas que les traumatismes peuvent être des violences, mais que les pires sont les dénis. Je ne te vois pas, je nie ce qui est important pour toi, je ne te vois que si tu fais ce que je souhaite. Combien d’entre vous vivent comme cela et ont dû s’adapter à cette situation de non vivre traumatisant ? Appliquez ce texte à ces situations de violence passive et vous comprendrez mieux.
Soyons clairs, la violence visible et palpable, bien que douloureuse, est plus facile à identifier et dépasser que la violence invisible.
LE TEXTE
Texte extrait de l introduction du livre » Le Soi hanté » de Onno Van Der Hart .
« Les traumatisés chroniques sont pris dans un terrible dilemme. Il leur manque la capacité intégrative et les aptitudes mentales nécessaires à la prise de conscience complète de l’horreur de leurs vécus et de leurs souvenirs. Mais ils doivent poursuivre une vie quotidienne où sont parfois présentes les personnes mêmes qui les ont maltraités ou négligés. L’option la plus pratique, pour eux, est d’éviter mentalement d’affronter ce passé et ce présent non traités, douloureux, et de maintenir autant que faire se peut une façade de normalité. Cependant, cette apparente normalité, cette vie à la surface de la conscience (Appelfeld, 1994), reste fragile : les survivants sont hantés par des souvenirs effrayants, réveillés par de puissants rappels, surtout lorsqu’ils ont épuisé leurs ressources émotionnelles et physiques. Et malheureusement, beaucoup de survivants vivent à la limite de l’épuisement, et sont ainsi plus sensibles aux intrusions de souvenirs traumatiques. Il est au-delà de leurs forces d’accepter les douloureuses réalités de leur vie ; ils restent ainsi bloqués dans la peur, le désespoir, la terreur. Ils se débattent souvent avec des difficultés pour réguler les expériences perturbantes, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’environnement : il s’agit là de compétences que les personnes qui les ont élevés ne les ont pas aidés à développer, et dont l’absence limite gravement leur niveau mental (capacité intégrative). Ces personnes paraissent incapables de parvenir à un équilibre correct entre leur niveau d’énergie mentale et leur faculté à utiliser cette énergie dans des actions mentales et comportementales adaptées que nous appelons efficacité mentale. Ils sont livrés à des actions et des réactions inefficaces mais répétitives, qui ne les aident pas à acquérir progressivement la maturité et la capacité de gérer correctement les aléas et les complexités de la vie. »
Texte paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 100