Le facteur de risque de cancer de la vessie était au fond du puits

Commentaire. Les toxiques sont là pour longtemps. Dans cette histoire nous découvrons que les cancers de la vessie dans ce village sont dus à de l’arsenic qui a infesté les nappes phréatiques. Cet arsenic vient d’un pesticide qui a largement été utilisé depuis 1920. Il ne l’est pourtant plus depuis 1960. Mais, 55 ans après, les sols et l’eau en sont encore infestés. Il continue à générer des cancers, ici de la vessie. Cela veut dire que les pesticides que nous déversons en quantité sur tous les sols n’ont pas fini d’engendrer de nombreux cancers et maladies dégénératives dans les années futures.

 

L’ARTICLE :

Depuis une cinquantaine d’années, le taux de mortalité par cancer de la vessie s’est considérablement accru dans le nord de la Nouvelle Angleterre. Une augmentation de 20 % de l’incidence du cancer de la vessie a ainsi été relevée dans le Maine, le New Hampshire et le Vermont par rapport à la moyenne du pays. Les raisons de cette augmentation relative soulèvent de nombreuses interrogations, c’est pourquoi une équipe a enquêté sur le sujet. Les auteurs ont passé en revue plusieurs facteurs de risque possibles, parmi lesquels le tabac, l’activité professionnelle, la consommation de fruits de mer ou de grandes-fougères, la présence d’arsenic dans l’eau de boisson, l’utilisation de poêles à bois ou des origines françaises ou canadiennes. Les auteurs ont inclus dans l’enquête 1 213 patients, âgés de 30 à 79 ans, chez qui a été diagnostiqué un cancer de la vessie entre 2001 et 2004.

De l’arsenic dans l’eau

Le seul facteur associé à l’augmentation du risque par rapport aux autres régions des Etats-Unis se trouve être l’eau de boisson, avec une augmentation du risque proportionnelle à la consommation quotidienne.

Les auteurs ont alors suspecté la présence d’un élément cancérigène dans l’eau, et ont retenu l’arsenic, retrouvé dans les pesticides largement utilisés de 1920 à 1960 dans les exploitations agricoles de la région. Il apparaît en effet que de nombreux patients de cette étude utilisaient l’eau de puits privés creusés pour leur consommation, et l’analyse des données retrouve un lien significatif entre cette utilisation et le risque de cancer de vessie. Par exemple, pour les patients utilisant avant 1960 exclusivement l’eau de ces puits creusés, le risque de cancer vésical est multiplié par 2 pour les gros consommateurs (> 2,2l par jour) par rapport aux faibles consommateurs (< 1,1l/j). Le risque est supérieur chez les sujets consommant l’eau de puits creusés privés par rapport à ceux recourrant l’eau de puits forés, les premiers étant plus sujets à la contamination.

Les pesticides contenant de l’arsenic ne sont plus employés dans cette région depuis plusieurs dizaines d’années, et les puits familiaux creusés ne sont plus guère utilisés, remplacés par des forages. Les auteurs alertent toutefois sur le risque de contamination des forages profonds par de l’arsenic ou autres métaux lourds libérés par la fracturation hydraulique, ce qui pourrait constituer un nouveau réel problème de santé publique.

Dr Roseline Péluchon

Références

Baris D. et coll. : Elevated Bladder Cancer in Northern New England: The Role of Drinking Water and Arsenic.

J Natl Cancer Inst. 2016; 108(9). pii: djw099.

http://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/le_facteur_de_risque_de_cancer_de_la_vessie_etait_au_fond_du_puits__161937/document_actu_med.phtml

 

Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 139