L’allaitement, de mère en fille

Commentaire. Les mères qui ont été allaitées, allaitent d’avantage leur bébé.

Cette pratique qui était par le passé essentielle à la survie des enfants, a été un moment délaissée avant d’être reprise ces dernières années.

Les féministes ont un moment considéré l’allaitement comme un état d’asservissement qu’il fallait dépasser. Les réactions sont parfois violentes (voir l’article que j’ai publié récemment).

 

 

L’ARTICLE :

L’allaitement maternel était autrefois la seule possibilité de survie des nourrissons et son arrêt faisait courir un risque mortel. Durant le 20ème siècle, l’abandon de l’allaitement maternel dans les sociétés occidentales et son remplacement par des formules de plus en plus élaborées est devenu très fréquent. Un regain de faveur pour l’allaitement s’est manifesté à partir des années 70, avec la progression des connaissances sur ses avantages métaboliques, immunologiques et émotionnels mais sa durée reste encore souvent limitée. Bon nombre de mères ont néanmoins des difficultés à « mettre en route » l’allaitement et à le maintenir malgré leur volonté. Plusieurs facteurs influençant le recours ou non à l’allaitement ont été identifiés mais l’impact des antécédents familiaux d’allaitement a été peu étudié.

Des pédiatres de l’hôpital universitaire de Turin ont réalisé une étude prospective en 2011-2013 sur la pratique de l’allaitement de nouvelles mères ayant accouché à terme par voie basse ou césarienne à l’issue d’une grossesse normale et ne recevant pas de traitement susceptible d’affecter l’allaitement. Elles devaient de plus avoir une ascendance italienne permettant de reconstituer l’arbre généalogique. En tout, 2 546 femmes ont été enrôlées, 1 619 primipares (63,6 %) et 927 (29,5 %) multipares. Les interviews ont été faites directement 24 à 36 heures après l’accouchement puis par téléphone 1, 3, 6 et 12 mois plus tard. Une enquête sur 3 générations, directe ou par anamnèse, a permis de réunir des informations pour 1 871 familles.

Plus de 90 % des femmes qui ont été allaitée, allaitent à leur tour…

Plus de 98 % des mères ont exprimé l’intention de débuter l’allaitement à l’hôpital mais pour 19,1 % un échec a été noté dès les deux premières semaines ; 79,3 % allaitaient à 1 mois, 65,9 % à 3 mois, 48,4 % à 6 mois, 16,2 % à un an. Les facteurs socio-économiques ont été pris en compte. Selon que les mères avaient été elles-mêmes allaitées ou non, il est apparu une différence marquée quant à la poursuite ou l’échec de l’allaitement à tous les stades. A 1 mois, 56,4 % des mères n’ayant pas été allaitées nourrissaient leur enfant au sein contre 91,1 % des mères ayant été allaitées (Odds ratio [OR] 9,33 ; (intervalle de confiance à 95 % [IC] 7,4-11,84, P < 0,0001) et la durée de l’allaitement était également réduite chez les premières (à 6 mois OR 3,79 ; IC 3,11-4,64 P<0,0001). Les fluctuations de prévalence de l’allaitement maternel sur 3 générations reflétaient les tendances séculaires : arrière grand-mères 91,2 %, grand-mères 67,5 %, mères actuelles 79,3 %. Le taux d’échec des mères non allaitées était 5 fois plus élevé que pour les mères allaitées, principalement durant la phase initiale de lactogenèse.

Les filles semblent donc reproduire l’expérience de leur mère pour la lactation. Le rôle des facteurs d’environnement ou d’un trait trans-générationnel transmis est discutable.

Pr Jean-Jacques Baudon 

Références

Porta F et coll. : Genealogy of breastfeeding. Eur J Pediatr 2016; 175: 105-112

Publié le 22/01/2016

http://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/lallaitement_de_mere_en_fille_156556/document_actu_med.phtml

 

Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 104