La revanche du gras
Commentaire. Un point sur les graisses. « la revanche du gras ». Avec ses rôles protecteurs. Nous avions évoqué dans un précédent article, le lien avec les localisations.
L’ARTICLE :
Depuis quelques années, le tissu adipeux a fait l’objet d’un intérêt croissant qui l’a définitivement sorti de sa mauvaise réputation. On a tout abord appris qu’il s’agissait d’un ensemble hétérogène. Le tissu graisseux blanc est celui qui stocke énergie, alors que la graisse brune (d’origine musculaire) la dissipe sous forme de chaleur. Mais cette dernière, qui est présente chez le nouveau-né (et les animaux qui hibernent), disparaît avec l’âge. Bruce M Spiegelman est l’un des découvreurs d’un autre phénomène : celui de la transformation du tissu adipeux blanc en tissu beige, ce qui lui fait acquérir des propriétés similaires à celles de la graisse brune, les deux jouant un rôle majeur dans la thermogenèse et la thermorégulation. Les adipocytes beiges produisent de la chaleur par l’intermédiaire du cycle futile de la créatine et se forment à partir du tissu adipeux blanc sous l’effet du froid (une molécule de créatine étant énergiquement équivalente à 12 molécules d’ADP).
Un vaste champ de recherche s’est donc ouvert et agite bien des laboratoires. L’examen de souris qui développent spontanément des adipocytes bruns dans des localisations inhabituelles, et même dans un environnement chaud, a notamment permis d’étudier les acteurs de régulation et de contre-régulation de la graisse brune. Ainsi, IRF4 est un facteur de transcription qui promeut la formation de cellules brunes, contrairement à IRF3 qui la freine, et les souris qui ont un déficit en IRF3 ont aussi une production excessive et une activation de la graisse brune.
Les rythmes circadiens semblent également jouer un rôle, ce qui n’est pas si étonnant puisque l’on sait, par exemple, que les travailleurs postés ont davantage de troubles métabolique et de diabète. La capacité du corps à se défendre contre le froid serait en effet variable dans le temps. Or, il apparaît exister un lien fort entre la régulation de la température corporelle et le métabolisme énergétique, d’où l’idée de pouvoir activer et manipuler cette graisse brune, et ainsi d’envisager une augmentation de la dépense énergétique, sachant que la difficulté serait alors l’augmentation subséquente de la température du corps et donc de la transpiration.
MA. Lazar suggère des actions menées pendant le sommeil, au moment où la température est la plus basse, mais d’autres pistes sont aussi explorées, comme celle de la PACAP, une hormone de régulation de la thermogenèse qui semble essentielle à la réponse thermogénique de la graisse brune.
La localisation de la graisse est aussi un thème très étudié. Les individus qui ont beaucoup de graisse sous-cutanée ont des taux d’adiponectine plus élevés que ceux qui ont plus de graisse viscérale, sachant que l’adiponectine a de nombreux rôles dont celui de promouvoir la transformation de la « mauvaise » graisse blanche en « bonne » graisse beige. Les adipocytes mammaires apparaissent aussi régulés différemment et pourraient faire le lien avec les cancers du sein triple négatifs, de même que la composition graisseuse de la moelle osseuse obéit à d’autres types de régulation.
Patricia Thellier
Référence
D’après Spielgelman BM et coll. 75ème congrès de l’American Diabetes Association (Boston, Etats-Unis) : 5-9 juin 2015.
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Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 75