La face sombre des antibiotiques

Commentaire. Un article qui explique bien comment cela marche, comment cela génère les résistances et les germes très dangereux.

La question est : « Les antibiotiques vont-ils finir par tuer plus de monde qu’ils en ont sauvé ? »

S’il faut qu’une porte se ferme c’est bien celle des antibiotiques tous puissants, pour en laisser s’ouvrir une autre.

 

L’ARTICLE :

Un des effets secondaires des antibiotiques est qu’ils peuvent modifier l’équilibre écologique du microbiote intestinal et permettre à des bactéries pathogènes de proliférer et de provoquer des désordres métaboliques comme, par exemple, des gastroentérites. Le tractus intestinal des mammifères est riche d’une communauté de microbes, appartenant à divers phyla bactériens, et indispensables, certes à la digestion, mais également à la résistance à la colonisation par des espèces invasives pathogènes telles que Salmonella typhimurium ou Clostridium difficile. Les antibiotiques à large spectre ont un effet néfaste sur la croissance des bactéries commensales de l’intestin ce qui peut aboutir à la prolifération des espèces pathogènes et, en retour, provoquer des inflammations gastrointestinales et des diarrhées chez 5 à 25 % des malades traités. C’est donc un problème de santé publique majeur dont les mécanismes n’étaient pas bien compris jusqu’à présent.

Une collaboration internationale vient de montrer chez la souris que les traitements antibiotiques, comme la streptomycine, favorisent la prolifération des salmonelles capables d’utiliser comme source de carbone les sucres libérés par l’altération du microbiote : glucose, galactose, fucose et acide sialique, ainsi que l’éthanolamine issue de la dégradation des membranes cellulaires de l’hôte (1). En outre, les antibiotiques augmentent l’expression d’une enzyme inductible de l’hôte : la synthase d’oxyde nitrique (iNOS pour inducible Nitric Oxyde Synthase) qui oxyde le glucose en glutarate et le galactose en galactarate. Les bactéries pathogènes les utilisent également comme source de carbone ce qui accélére leur croissance au niveau intestinal (figure) (2). Les auteurs ont identifié les gènes de salmonelles impliqués dans la métabolisation des formes oxydés des sucres. L’expression de ces gènes est induite par l’hydrogène, un produit de fermentation du microbiote. Des gènes associés sont, heureusement, aussi présents chez les bactéries commensales telles que le colibacille et Klebsiella oxytoca, ce qui leur permet de reprendre leur croissance après un traitement antibiotique.

En conclusion, les antibiotiques sont très utiles pour traiter les infections bactériennes sensibles. Cependant, avec l’apparition de bactéries multirésistantes susceptible de tuer 10 millions de personnes par an d’ici 2050 (3), leur face devient de plus en plus sombre. De nouvelles approches thérapeutiques plus efficaces sont nécessaires pour prévenir les maladies intestinales inflammatoires dues aux traitements antibiotiques.

(1) Faber et coll. : Host-mediated sugar oxydation promotes post-antibiotic pathogen expansion. Nature (30 june 2016 ; 534 : 697-699.

http://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/la_face_sombre_des_antibiotiques_160013/document_actu_med.phtml

 

Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n°128