Internet : une pollution bien réelle
Commentaire. La vraie pollution de l’internet. Ou l’hypocrisie de ne pas imprimer les mails pour épargner la planète. Qui n’a pas aujourd’hui ce réflexe de ne pas imprimer les mails pour économiser du papier et des forêts ?
Globalement, une facture papier de deux pages est 15 fois moins polluante que la même en mail, même si seulement une personne sur dix imprime la facture. Les centres data, et l’énergie pour envoyer les mails consomment une énergie considérable.
Une entreprise de 100 personnes qui envoie des mails, c’est l’équivalent en CO2 de 15 aller retour Paris / New-York.
Les recherches internet représentent en France l’équivalent de deux milliards de kilomètres en avion.
Finalement, qui détruit le plus la planète, un habitant de îles Féroé qui tue les dauphins depuis 5000 ans, ou un bon citoyen qui n’imprime pas ses mails pour raison écologique ?
L’ARTICLE :
Des mails envoyés par milliards chaque jour, des millions de requêtes quotidiennes sur les moteurs de recherche… Les technologies de l’information et de la communication (TIC)* ont inondé nos vies. Jusqu’à polluer notre environnement, autant que le trafic aérien. Un monde virtuel à l’impact bien réel.
Un message à délivrer, une information à vérifier, un document à télécharger… Internet s’impose à nous comme un réflexe. Nous communiquons à l’envi, surfons à l’excès, convaincus d’être irréprochables. Pourtant la masse – qui ne cesse de grossir– de courriels, de vidéos, de données partagées, et surtout stockées, pollue notre environnement.
200 milliards de mails
Chaque jour, 200 milliards de mails (hors spam) sont envoyés dans le monde. Or, ils génèrent beaucoup de CO2 . D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, une entreprise de 100 personnes serait, sur une année, responsable à travers ses seuls mails, de treize tonnes d’équivalent CO2 : autant que treize vols allers-retours Paris – New York !
Aussi surprenant est l’impact d’une recherche sur Internet. Sur une année, chacun des 29 millions d’internautes français effectue en moyenne 949 recherches Internet ; ce qui correspondrait au total à l’émission d’environ 287000 tonnes d’équivalent CO2 par an, soit à près de 2 milliards de kilomètres parcourus en voiture!
À ce rythme, toujours croissant, la contribution des technologies de l’information et de la communication (TIC) aux émissions de gaz à effet de serre pourrait atteindre 4% en 2020 en Europe (contre 2 % en 2005), selon un rapport commandé par la Commission européenne en 2008. Soit plus que la pollution engendrée par le trafic aérien.
« La face cachée »
On s’est plu à croire aux vertus de la dématérialisation, à la magie du virtuel. Moins de déplacements, moins de transport, et par conséquent moins d’impact écologique. La réalité est autre, bien plus complexe. Le monde connecté suppose des équipements et des infrastructures bien réels. C’est ce que certains appellent la « face cachée » des TIC*. Derrière nos ordinateurs, des kilomètres de câbles, par lesquels transitent les masses d’informations échangées, des serveurs de stockage et des centres de traitement des données. Ces derniers, les data center – environ 4000 dans le monde – consomment énormément d’énergie, notamment parce qu’il faut refroidir les serveurs en permanence. Les plus gros centres produiraient plus d’électricité que des villes de 100 000 habitants. Les géants de l’informatique ne l’ignorent pas. Et cherchent à utiliser les éléments naturels (l’air, l’eau…) pour refroidir leurs serveurs et diminuer la consommation électrique. « Des efforts sont effectivement entrepris par les fournisseurs de service, souligne Françoise Berthoud, ingénieur de recherches au CNRS, mais ça ne peut suffire à compenser l’explosion des TIC, il y a encore beaucoup à faire… »
À notre petit niveau pour commencer puisqu’une meilleure gestion de nos échanges virtuels pourrait limiter notre empreinte carbone. Ainsi, d’après l’ADEME, « réduire de 10 % l’envoi de courriels incluant systématiquement un responsable et un de ses collègues au sein d’une entreprise de 100 personnes permettrait un gain d’environ une tonne équivalent CO2 sur l’année, soit un aller-retour Paris – New York ». On essaie ?
* TIC ou technologies de l’information et de la communication, soit l’ensemble des équipements utilisés pour le traitement et le stockage de l’information : du téléphone portable, tablettes et autres petits équipements aux serveurs et espaces de stockage des données en passant par les réseaux d’interconnexion, téléviseurs, périphériques etc.
Les TIC, c’est quoi ?
TIC ou technologies de l’information et de la communication, soit l’ensemble des équipements utilisés pour le traitement et le stockage de l’information : du téléphone portable, tablettes et autres petits équipements aux serveurs et espaces de stockage des données en passant par les réseaux d’interconnexion, téléviseurs, périphériques etc.
Cinq réflexes pour réduire les impacts
1. Limiter le nombre de destinataires des courriels. Multiplier par dix le nombre de destinataires d’un courriel multiplie par quatre son impact climatique, donc : je cible les destinataires de mes messages et je limite les envois en nombre ; quand je réponds à un message groupé, je sélectionne les destinataires, je ne l’envoie qu’aux concernés.
2. Diminuer le temps de lecture à l’écran. J’envoie des documents faciles à lire, rapides à consulter (pour limiter le temps de lecture) ; je conçois des présentations de type « slides » avec peu de texte.
3. Veiller au poids des documents en pièces jointes. J’optimise la taille des documents que j’envoie (fichiers compressés, images basse résolution…) ; je supprime les pièces jointes qui peuvent être attachées au message quand je réponds à un correspondant ; je cherche une solution alternative si mon courriel est très lourd.
4. Gérer les stocks. Je ne conserve que les courriers nécessaires. Je fais un tri régulier de ma boîte courriel ; je supprime immédiatement tous les spams ! Mieux, j’installe un anti-spam sur mon ordinateur.
5. Rechercher efficacement. Aller directement à l’adresse d’un site, soit en tapant son adresse, soit en l’ayant en favori, divise par quatre les émissions de gaz à effet de serre. Donc pour éviter d’utiliser le moteur de recherche, j’entre directement l’adresse URL d’un site et j’enregistre en favori les sites que je consulte souvent. J’optimise ma recherche en utilisant des mots-clés précis, je cible ma demande.
« Internet, courriels: réduire les impacts », l’ADEME.
«Il y a plein de bonnes pratiques à avoir»
Parce que les mails génèrent du CO2 quand on les envoie mais aussi et surtout quand on les stocke, Fullmobs, la plateforme de mobilisation citoyenne, et Newmanity, la messagerie écoresponsable, ont lancé en janvier une campagne de dépollution numérique. Un message simple pour sensibiliser le grand public à l’impact environnemental du mail : « Supprimer 30 e-mails, c’est économiser 24 h de consommation d’une ampoule. »
Les deux start-up s’étaient fixé l’objectif de toucher au moins un millier de personnes. Objectif atteint en moins de 36 h. Pour célébrer le palier atteint, Newmanity s’est engagé à planter 1 000 arbres au Sénégal, « ce qui permettra de capter près de 60 tonnes de CO2 pendant 30 ans ».
En un mois, « 5300 internautes ont participé – sur simple déclaration – et sept millions de mails ont été effacés, rapporte Stéphane Petibon, de Newmanity. Soit l’équivalent de 3,580 millions d’heures d’allumage d’une ampoule basse tension gagnées. » Un résultat qui montre le début d’« une prise de conscience ». « Il y a plein de bonnes pratiques à avoir. Quand vous allez sur Internet, vous laissez des traces partout qui sont gérées, revendues, se multiplient… » À chacun de reprendre le contrôle de son empreinte numérique.
Mail vs courrier postal: la réplique de Pocheco
« On entendait tellement qu’utiliser du papier tuait la forêt et que faire un geste pour l’environnement, c’était passer par Internet… » En 2011, le fabricant d’enveloppes Pocheco (Forest-sur-Marque), dirigé par Emmanuel Druon, demande au CNRS une analyse du cycle de vie comparative d’un document de gestion envoyé par courrier postal et par voie informatique. « Il fallait qu’on sache si l’enveloppe avait un avenir ou s’il fallait se reconvertir ! » Résultat ?
« Avec une analyse du cycle de vie complète, pour une facture de deux pages, un courriel est globalement quinze fois plus polluant dans le scénario le plus favorable au courriel, dans lequel seulement une personne sur dix imprime son courrier. » Un argument de poids qu’affiche désormais Emmanuel Druon sur ses camions. « Même si, tempère de son œil vigilant de scientifique, Françoise Berthoud, on ne peut pas tirer de généralité. » À une étude, précise la chercheuse, correspond un contexte qu’il faut toujours resituer.
Publié le 17/02/2016
par Delphine D’haenens
http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/internet-une-pollution-bien-reelle-ia0b0n3335262
Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 127