Inceste maternel autre tabou, témoignage.
Commentaire.
A la suite de l’article sur l’inceste maternel,
Lien : https://www.lessymboles.com/la-mere-abuseur-sexuel/
Nous avons eu de nombreuses réactions allant toutes dans le même sens. « Enfin quelqu’un qui ose parler de ce thème et rompre le silence, merci ».
Parmi ces réactions, il y a celle de Dominique. Après discussion avec elle et avec mon équipe, nous avons décidé de publier son témoignage.
Il est semi anonyme selon son souhait. Dominique est son prénom. Elle communique un mail pour celles et ceux qui souhaiteraient communiquer avec elle.
L’ARTICLE :
On parle tellement peu de l’inceste des mères, cela semble tellement inimaginable, tabou. Je souhaite apporter mon témoignage pour toutes ces femmes, qu’elles puissent se dire, je ne suis pas seule, c’est arrivé. Je n’ai pas à avoir honte.
Je n’ai pas de souvenirs avant l’âge de 9 ans. Je me suis coupée de mes émotions pour survivre. Je ne pleurais pas mais je ne riais pas. Vide j’étais. J’ai eu mes règles à l’âge de 9 ans et demi. Je faisais tout ce qu’il fallait pour être la petite sage, faire ce que l’on attendait de moi pour pouvoir m’intégrer à ma famille. Je pensais que d’avoir ses règles c’était mal, honteux, puisque ma mère ne m’a jamais rien expliqué de la sexualité, et m’a emmené chez le médecin, qui m’a dit « tu serais d’accord pour porter un soutien gorge ». J’étais mal dans ma peau, renfermée, mon monde c’était les livres qui m’aidaient à m’évader. Bien sûr ma mère ne voulait pas comprendre. Elle était étonnée de mon comportement, je restais enfermée pendant des heures dans ma chambre à lire, faisant semblant de ne pas entendre quand on m’appelait, mais je ne me protégeais que d’elle, car elle était malade, perverse. Avant je vous aurais dit qu’elle était un monstre. Vers l’âge de 12 ans, elle m’a emmené voir son gynécologue en lui demandant de vérifier si j’étais encore vierge (bien sûr pas devant moi). Je ne l’ai compris qu’après, quand le médecin, se tournant vers elle, lui a dit, non, il n’y a pas de soucis à se faire, l’hymen est bien en place. J’ai ressenti à ce moment là, la sensation d’avoir été violée, trahie, humiliée. J’ai mis je ne sais combien d’années en analyse pour le sortir ce mot : viol. Ce médecin a prescrit des ovules pour je ne sais quelle raison. C’est elle qui a voulu me les mettre, prétextant que je ne saurais pas faire. Je me suis débattue, elle m’a giflée, mais je ne me suis pas laissée faire. Une seule fois, parmi tous les médecins auprès desquels elle m’a emmenée, un seul lui a dit « madame, c’est vous qu’il faut soigner ». Bien sûr, pour elle, ce n’était qu’un con, et âgée de 15 ans, je n’ai pas eu le courage, la force de me mettre toute ma famille à dos. En parlant autour de moi, d’autres femmes, m’ont dit, ma mère a fait pareil, mais cela ne semble pas les choquer, pourtant, ce sont toutes des femmes dans la douleur à force d’avoir tu leurs souffrances. Ma mère passait devant ma chambre pour aller à la buanderie pour me montrer les slips de mon père, les mouchoirs, les slips où il y avait du sang, en m’expliquant qu’il ne pouvait plus avoir de rapports sexuels avec elle, qu’il était impuissant du à sa blessure pendant la guerre, et dans les mouchoirs, elle regardait s’il y avait du sperme. Elle allait aussi, vérifier le nombre de km au compteur, pour voir s’il en avait fait plus que nécessaire en allant au travail. Elle s’est mis des cachets dans la bouche pour faire semblant de se suicider. Elle hurlait à mon père, regarde ce que tu me fais. Il a réussi à lui faire cracher ces médicaments. Mais c’est moi, qui ai du aller chez les voisins appeler le médecin.
Le problème de ces actes, ces situations ambigües sont tout aussi destructrices car sournoises. Il a été difficile de mettre des mots sur ma souffrance pour la décrypter car il n’y a pas de repères, cela laisse des traces mais le corps est indemne de toute marque pouvant servir de preuve en justice. Tous ces actes flous, portant à confusion m’avaient ligoté, comme si j’appartenais à mes parents. Dolto disait « l’inceste rend fou car il est interdit de vie symboliquement parlant ». Pendant des années, j’ai cru devenir folle de douleurs. Oui, son comportement était incestueux, déséquilibré, elle a voulu me mêler à sa vie sexuelle. Ma mère allait à l’église, priait, et disait du mal de tout le monde. Le couple de mes parents n’avait pas d’amis, et je n’avais pas l’autorisation de recevoir des amies sans avoir son approbation, les garçons c’était hors de question.
Bien sûr, j’ai développé x symptômes, à ce jour il me reste des symptômes de fibromyalgie, j’ai retrouvé la marche active, le sport mais mes relations amoureuses restent encore difficiles, je n’arrive toujours pas à avoir confiance en moi malgré tous les retours extraordinaires que j’ai dans mon métier. Je me demande toujours ce qu’il va encore m’arriver, donc bien sûr, cette peur attire toujours le même type d’événements. Je n’ai trouvé que la solution de couper les ponts avec ma famille qui est dans un système destructeur. J’ai développé de la honte, m’étant sentie salie, et depuis, j’ai appris que lorsque l’on ressent de la honte, cela ne nous appartient pas mais bien à celui ou à celle qui l’a créée. Il me reste de la culpabilité, même si je sais que c’est idiot : je ne suis pas arrivée à la sauver de sa folie, de sa perversité. Même en ayant coupé les ponts, même en m’analysant en essayant d’être le plus honnête vis-à-vis de moi, de ce qui m’appartient de mon histoire d’adulte, c’est encore parfois difficile. J’avance, en m’observant, en travaillant sur moi sur plusieurs plans. Avec mes filles, j’ai pu parler de mon histoire. Quand mon beau-père est décédé à la naissance de ma dernière fille, je lui ai confiée mon bébé de 8 jours, pour assister à l’enterrement. Je l’appelle pour savoir comment va la petite. Et là, elle me dit « j’ai nettoyé ses lèvres, sa vulve avec un coton tige, car elle a les lèvres bien rouges ». Je n’ai pas pu rester à l’enterrement, je suis revenue chercher ma fille. Quand elle a eu à garder mes filles dans leur enfance, sa phobie le thermomètre, vérifier la température, et, de m’appeler pour me dire que l’une ou l’autre avait 37°5. Aujourd’hui, malgré de mauvaises relations avec ma famille, j’ai réussi avec mes enfants à avoir une relation juste. Ma grande joie, c’est qu’avec mes enfants, on a pu construire, parler, et établir une relation, et surtout quand elles me disent « maman, je t’aime », j’arrive à l’entendre, je sais que cela part du cœur.
Oui, l’inceste des mères existent, ce n’est pas forcément la « kékétte dans la zézette », mais cela engendre les mêmes effets, la honte, la culpabilité, la salissure, la maladie. Oui, aujourd’hui, j’en parle autour de moi, et, souvent il y a la même réaction, des grands yeux ronds, étonnés, et parfois, posant la question, mais comment ? Avec des gestes ? Je dirais que c’est encore plus difficile, car il y a le silence, le tabou, donc l’enfermement dans la souffrance. Oui son comportement était incestueux.
Dominique