Il y a désormais un « effet Angelina Jolie »

Commentaire Lettre MDS 41.

A lire en détail dans cet article long, surtout pour celles qui seraient intéressées à suivre l’exemple d’Angelina Jolie.

Elle a osé le faire, elle, une très belle femme avec une poitrine magnifique, c’est comme si elle disait : « je peux aussi le faire sans risquer de perdre mon Brad Pitt et garder toute ma séduction ».  Les femmes ont plus facilement osé faire des tests de recherche de gène BRCA 1 de risque de cancer du sein familial. Elle osent plus facilement se faire faire une mastectomie préventive.

C’est l’effet positif. Cependant ce n’est pas une petite intervention et elle peut être très douloureuse. Elle modifie fondamentalement la morphologie et la sensation de ses seins.

Essayons de comprendre ce qui peut se jouer derrière ce risque familial. 

Le cancer du sein est effectivement très «familial». Il est lié aux soucis qu’une femme se fait pour ceux qu’elle aime. Il est aussi très lié aux mémoires qu’elle peut avoir dans sa vie et son enfance, d’avoir vu et vécu la souffrance de ses proches aimés sans pouvoir y faire quoi que ce soit, sans savoir les sauver. Cette mémoire est fortement programmante pour une femme. A l’âge adulte tout ce qui rappelle cela va la confronter à cette émotion non gérée.

Cela peut s’amplifier des mémoires générationnelles des femmes de sa lignée, mère, grand mère, tantes et arrières grand mère. Je pense que le gène BRCA1 vient emmagasiner toutes les mémoires de cet ordre non résolues. La sensibilité au cancer s’en trouve d’autant augmentée. La capacité à affronter un certain type d’émotion diminuée.

Si on regarde d’un peu plus près le gène BRCA1, ce n’est pas un gène favorisant les cancers, mais un gène les prévenant, c’est sa déficience qui donne le risque de cancer.

Le gène BRCA1 sert à réparer les ADN endommagés justement pour qu’il n’y ai pas de risque de cancer. Cette réparation intervient au moment de la transmission des générations quand il y a fabrication des ovules et des spermatozoïdes. Il joue donc un rôle de prévention du risque transgénérationnel. Il répare les dégâts d’une génération avant de transmettre le patrimoine génétique à la suivante. Il est donc typiquement transgénérationnel.

Mais que se passe t-il pour qu’il ne réussisse plus à remplir son rôle préventif ? Quel est l’événement qui l’a endommagé et qui fait que la femme se trouve avec le poids des traumatismes des générations précédentes. Nous sommes ici au coeur des mécanismes de transmissions trangénérationnelles.

Je propose d’imaginer qu’au delà d’un certain niveau de traumatisme il devient difficile de se réparer sans transmettre à la génération suivante. Mais aussi que chaque génération peut tenter de vivre au mieux et de solutionner le plus possible les souffrances de son existence pour ne pas charger la barque de la génération suivante. Le génie de la nature est de toujours chercher à trouver une solution et de demander à la génération suivante de solutionner ce que la précédente n’a pu trouver. La nature tend en permanence vers la solution et nous humains sommes vivants parce que la nature a trouvé depuis des milliers de générations des solutions au difficultés rencontrées.

Concrètement, face à une mutation du BCRA1, vous avez une forte charge d’héritage, de souffrance de type « sein » et il faut le savoir afin de travailler vos réactions face aux difficultés que vous rencontrerez. Mais gardez bien en mémoire que le risque de cancer dans ce cas n’est pas de 100% mais seulement un plus élevé.

Le type de souffrance en lien avec le sein. 

La clé de compréhension du sein que je propose est la suivante. Une maman donne à son petit «TOUT» ce dont il a besoin et le petit prend «TOUT» ce que lui donne sa maman. C’est une équivalence logique presque de type mathématique «Si et seulement si». Mais voilà, si cela est possible dans une relation entre une maman et son bébé allaité, cela devient plus difficile quand le petit grandit ou qu’il ne s’agit plus d’un petit. Il peut avoir 20, 30 ou 40 ans. Cela peut aussi être un proche ou un conjoint. La possibilité toute puissante de sauver qu’a le sein et l’allaitement se trouve alors potentiellement mise en échec. Soit que l’autre ne veuille plus de ce que la femme lui donne, soit qu’elle n‘a pas la possibilité de le sauver de toute situation (ce qui est potentiellement inévitable un moment ou l’autre). L’équivalence absolue est rompue et le risque de cancer du sein apparait. Aucune femme ne pourra éternellement protéger ses enfants devenus adultes. Et une femme qui veut à tout prix faire le bonheur de l’homme qu’elle aime est non seulement dans une impasse, mais intervient de façon inacceptable sur la vie de l’autre.

On voit bien qu’il est impossible à une femme de sauver tout le monde et tout le temps, même uniquement ceux qu’elle aime. Qu’il y a effectivement une notion de toute puissance. Que cette toute puissance est la conséquence d’un vécu de toute impuissance de son histoire personnelle ou héritée.

Et c’est vraiment là le problème.

J’ai souvent remarqué que les femmes «sein» sont aussi enfermées dans un niveau unique de vision du monde de type «si je ne peux sauver, je ne suis rien, autant mourir, tout est foutu». Que cela soit conscient ou non.
C’est tout cela qui est à travailler.

Le problème des brevets sur le vivant. 

En me penchant sur cet article j’ai découvert ce problème de brevet qui change pas mal la vision des choses.

Le test sur le gène BCRA1 est la propriété d’une société Myriad ce qui empêche tout autre laboratoire de les pratiquer. Cela veut aussi dire que chaque fois que l’on parle du gène BCRA1 cela fait gagner de l’argent à Myriad. Pire, ce test est imparfait et Myriad refuse que d’autres instituts universitaires développent un meilleur test. Elle même a développé un autre test, mais évidement beaucoup plus cher.

Des procès ont eu lieu aux USA, et une partie des brevets de Myriad a déjà été invalidé en 2010 par la cour fédérale américaine.

Vu sous cet angle nous sommes dans une problématique totalement différente. Quel est la valeur et le risque réel de cancer, quand le marketing et le profit s’en mêle, que vaut réellement l’information ? N’est-on pas en train de générer une peur uniquement parce qu’elle rapporte beaucoup d’argent. Ne génère t-on pas des peurs chez des millions de femmes uniquement pour générer du profit. Ne va t-on pas dans 5 ou 10 ans réaliser que ce gène n’est pas aussi important et ce test pas fiable ? (ce qui est déjà le cas par certains cotés). Ou que les statistiques de risque ne sont pas exactes ou ont été artificiellement majorées.

Enfin, que valent les informations médicales quand elles sont fournies au bénéfice d’une seule société pour des objectifs financiers ? La vie médicale de ces dernières années est remplie d’exemples de manipulation de l’information. Entre la grippe H1N1 qui s’est révélée sans beaucoup de danger, le Médiator et les révélations de John Virapen sur le Prozac.

«Primum no nocere» d’abord ne pas nuire, disait Hippocrate. Ou «de deux mots choisissez le moindre» attribué à Socrate.

Essayons de réfléchir à tout cela et de bien comprendre que chacun a sa capacité de jugement mais aussi sa capacité à régler positivement les souffrances de son histoire.

L’ARTICLE :

Rappelez-vous, c’était en mai 2013. Angelina Jolie créait une surprise médiatique, brisant les tabous en révélant qu’elle avait choisi de subir une double mastectomie préventive pour éviter un cancer du sein, après avoir appris qu’elle était porteuse du gène BRCA 1. La nouvelle faisait rapidement le tour de la presse internationale et de tous les réseaux d’information à travers le monde. Mais, fait relativement inhabituel avec ce type d’information, le buzz se poursuit plusieurs semaines durant, dans les quotidiens, à la télévision, sur les radios et surtout dans les magazines. Et dans les semaines qui ont suivi, de nombreux centres de référence pour la prise en charge des cas familiaux de cancer du sein ont vu leurs consultations augmenter considérablement.

Cela n’aurait pu être qu’un feu de paille, comme c’est très souvent le cas quand une information médicale arrive à la Une. Mais, dans ce cas précis, il semble que la médiatisation ait eu un effet durable. C’est en tous cas ce qui ressort d’un étude réalisée au Royaume-Uni. Les auteurs ont relevé les fréquentations mensuelles de 12 centres de référence de dépistage des cancers familiaux et 9 centres de génétique au cours des années 2012 et 2013. Et ils n’hésitent pas à parler d’un « effet Angelina Jolie ».

Selon ces données, les consultations dans les centres ont été multipliées par 2,5 en juin et juillet 2013 par rapport à l’année précédente (4847 vs 1981) et sont restées 2 fois plus élevées jusqu’en octobre. Les demandes de tests de recherche des mutations de BRCA1/2 ont doublé et les professionnels attestent que  le nombre de demandes de mastectomies préventives a  augmenté.

Les auteurs précisent que les demandes de dépistage étaient pratiquement toutes justifiées, émanant de femmes ayant des antécédents familiaux de cancer du sein, mais ils supposent que les médecins de premier recours avaient répondu à un nombre encore plus important de patientes inquiètes et avaient réalisé un « tri » des demandes de recherche de mutations BRCA1/2. Ils ont pu être aidés en cela par les recommandations du NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) qui étaient, fort à propos, mises à jour à cette période. Quoi qu’il en soit, le nombre élevé de demandes appropriées signifie que la médiatisation de son choix par Angelina Jolie aura sensibilisé un grand nombre de femmes, en leur faisant s’interroger sur leurs antécédents familiaux et en décidant les femmes réticentes à consulter.

Un tel effet, constaté dans d’autres pays, est plutôt inhabituel. La médiatisation des soucis de santé des stars n’a généralement pas de répercussion plus durables que leur exposition à la Une. Les auteurs suggèrent que l’image glamour d’Angelina Jolie et sa relation avec Brad Pitt ont pu être les moteurs de cet « effet Angelina Jolie » prolongé, en rassurant et en encourageant les femmes.

Dr Roseline Péluchon

Références

Evans D.G.E. et coll. : The Angelina Jolie effect: how high celebrity profile can have a major impact on provision of cancer related services. Breast Cancer Research 2014, 16: 442.

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