Enfant né sous X : le père biologique n’obtient pas la restitution de son fils déjà adopté
Commentaire.
L’ARTICLE :
Paris, le mardi 25 novembre 2014 – Depuis plusieurs années, la possibilité d’accoucher sous X est l’objet de très nombreuses critiques. Outre ceux se faisant fort de défendre un droit à la connaissance de ses origines, certains remarquent que cette procédure prive les pères de leurs droits sur l’enfant. Depuis quelques années, ces observations ont trouvé leur illustration dans le combat d’une poignée de pères, tentant devant les tribunaux d’obtenir le droit de garde de leurs enfants.
Intérêt de l’enfant
Célestin est ainsi « né sous X » à la fin du mois d’avril 2013. Son placement en vue de son adoption est organisé par le Conseil général. Avant que cette adoption ne soit encore concrète, son père biologique demande en juillet 2013 la suspension de la procédure. Cependant, il ne précise nullement ses intentions au Conseil général et ne montre notamment pas de volonté claire de prendre en charge lui-même le petit garçon. Dès lors, l’administration n’estime pas recevable sa demande et la procédure se poursuit. L’enfant est confié à un couple en quête d’adoption depuis plusieurs années. Face à ce refus du Conseil général, le père a saisi la justice. Le tribunal de première instance lui a donné raison, estimant notamment que le Conseil général avait outrepassé ses droits en choisissant de ne pas interrompre le processus d’adoption, en dépit de l’intervention du père. Le Conseil général a fait appel de cette décision et le procès en appel s’est récemment déroulé.
Deux arguments ont été de nouveau développés par le Conseil général pour s’opposer à la restitution du petit garçon à son père biologique. D’une part, il a souligné que le père n’avait pas fait connaître dans les délais prévus son désir d’assurer lui-même la garde du petit garçon et que son intervention le 12 juillet était insuffisante pour lui permettre d’interrompre la procédure d’adoption. Surtout, le Conseil général a mis en avant l’intérêt de l’enfant. Il a rappelé que le petit garçon vivait désormais depuis plus d’un an avec sa famille adoptive au sein de laquelle il mène une existence épanouie. Lors de l’audience, l’avocat du Conseil général a par ailleurs produit « plus d’une dizaine d’expertises de cet enfant par des grands noms des différents CHU de France, psychanalyste et médecins psychiatres qui tous, unanimes évoquent les risques de déstabilisation pour l’enfant » s’il était enlevé à sa famille adoptante. L’intention affichée par le père de changer son prénom a par ailleurs été érigée comme un témoignage des risques qu’encourrait le petit garçon.
Ni restitution, ni droit de visite
Initialement, ces arguments n’ont pas paru convaincre la cour d’appel dont les réquisitions de l’avocat général se sont inscrites dans la même ligne que les juges de première instance, désavouant la position du Conseil général. Mais ce matin, coût de théâtre, la Cour d’appel de Rennes estime que l’intérêt de l’enfant impose de ne pas accorder le droit de garde à son père biologique, tandis que lui a même été refusé un droit de visite. Le père, ne cachant pas sa très forte déception, a immédiatement fait part de son intention de se pourvoir en Cassation.
Qu’est-ce qu’être père ?
Au-delà des enjeux liés aux faits (c’est-à-dire les interrogations sur le respect de la procédure par les différents intervenants), cette affaire ne peut que relancer le débat sur la question de la filiation de l’enfant. Doit-on nécessairement toujours préférer la filiation biologique ou faut-il au contraire s’en remettre une fois encore à l’intérêt de l’enfant, sans considérer le caractère biologique comme un élément obligatoirement prioritaire ? Sans doute des compromis permettant de conforter l’ensemble des points de vue existent-ils. Ainsi, en avril 2006, cinq ans après de longs rebondissements judiciaires, le père d’un jeune garçon qu’il avait reconnu avant sa naissance, mais dont la mère avait accouché sous X sans l’en avertir, a bénéficié d’une décision favorable de la Cour de cassation. Celle-ci lui octroyait le droit d’exercer pleinement sa paternité, et annulait l’adoption plénière prononcée par la Cour d’appel de Nancy. Le père biologique s’est cependant refusé à retirer l’enfant à sa famille adoptive qui l’élevait depuis six ans ; cette dernière a continué à éduquer le petit garçon, tandis que son père biologique bénéficie d’un droit de visite et que l’adoption plénière a été muée en adoption simple.
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