En Europe, la lèpre se cache… dans les écureuils

Commentaire. La lèpre persisterait chez les écureuils en Grande Bretagne. Elle a officiellement disparu depuis plusieurs siècles. Le type de microbe est assez semblable à celui qui a contaminé les humains. On pensait que la lèpre se transmettait d’homme à homme, la découverte d’un réservoir de virus change notre vision. Les chercheurs se demandent si c’est l’homme qui a transmis la lèpre à l’écureuil ou le contraire. L’article parle d’une difficulté à éradiquer la bactérie.

Au-delà de cette découverte, nous pouvons voir les choses autrement. 

Tout d’abord la médecine voit encore la maladie comme une chose à éradiquer, sans comprendre à quoi elle peut servir dans l’écologie du monde. Pasteur a la vie dure. 

Je trouve que c’est une bonne chose qu’un germe puisse persister afin de pouvoir resservir quand nous en aurons besoin.

La lèpre est connue pour avoir un génome particulièrement stable et on le voit résistant. Elle retrace l’histoire des migrations humaines depuis le grand Alexandre.

Il y a quelques années on retrouvait le bacille de la peste dans le métro de New York.

 

L’ARTICLE :

Une équipe internationale a découvert en Grande-Bretagne des écureuils roux porteurs de bactéries responsables de la lèpre. Ce pourrait être le réservoir longtemps inconnu de cette maladie que le monde n’arrive pas à éradiquer.

La lèpre, une maladie du Moyen-Âge qui n’existerait plus en Europe que dans les livres d’histoire? Alors qu’elle a fait les heures sombres d’une part de notre histoire, la maladie a reculé dans le monde de 90% en vingt ans, et n’existe quasiment plus en Europe continentale sinon à travers de rares cas importés. Mais la communauté internationale ne parvient pas à en venir à bout. La lèpre a longtemps été considérée comme une maladie se transmettant d’homme à homme, mais «nous n’écartons pas la possibilité que la bactérie subsiste dans un réservoir que nous n’avons pas encore identifié», confiait il y a deux ans au Figaro le Dr Béatrice Flageul (Hôpital Saint-Louis, Paris), qui centralise les données sur cette maladie au niveau national.

C’est peut-être chose faite grâce à une équipe suisse et britannique, qui publie ses résultats dans la revue Science. Les chercheurs ont découvert, chez des écureuils roux (Sciurus vulgaris), les deux bactéries de la lèpre humaine, dont la souche qui circulait en Europe jusqu’à la Renaissance.

La bactérie présente chez des animaux en bonne santé

Récemment, des écureuils porteurs de lésions caractéristiques de la lèpre ont été identifiés en Écosse et dans le sud de l’Angleterre. L’équipe dirigée par Anna Meredith (École vétérinaire de l’Université d’Édimbourg) et Stewart Cole (directeur du Global Health Institute à l’École polytechnique fédérale de Lausanne) a donc examiné les cadavres de 70 écureuils retrouvés en Grande-Bretagne, 40 en Irlande et 4 en Écosse, avec des tests génétiques et sanguins à la recherche des deux bactéries responsables de la lèpre: Mycobacterium leprae, associée à la lèpre européenne du Moyen-Âge, et Mycobacterium lepromatosis, découverte en 2008. Parmi les 114 animaux analysés, 13 présentaient des symptômes de la maladie.

Verdict: M. lepromatosis a été retrouvée chez 9 écureuils, et M. leprae chez la totalité des 25 venus de Brownsea Island (sud de l’Angleterre). Les bactéries étaient présents chez 21% des animaux ne présentant pas de symptômes, précisent les auteurs.

Le réservoir de la maladie?

Or la lèpre a disparu des îles britanniques depuis plusieurs siècles. La souche découverte chez les écureuils de Brownsea Island est très similaire, remarquent les auteurs, à celle retrouvée sur un squelette humain vieux de plus de sept siècle et enterré à 70 kilomètres de là, à Winchester. La preuve, selon les auteurs, qu’un pathogène peut subsister dans un environnement bien longtemps après avoir été éradiqué chez l’être humain. 

«Ce que nous cherchons à savoir maintenant, c’est: les écureuils ont-ils attrapé la lèpre transmise par les hommes (…), ou cela s’est-il passé dans l’autre sens? Les humains ont-ils au départ été infectés par les écureuils?», s’est interrogée Anna Meredith auprès de la BBC. Non que la scientifique craigne une résurgence de la lèpre en Grande-Bretagne. Mais elle ne juge pas impossible qu’ailleurs dans le monde, dans des pays où les contacts entre les hommes et les animaux infectés sont plus étroits, l’écureuil lépreux ne puisse représenter une menace.

Par  Soline Roy 

http://sante.lefigaro.fr/article/en-europe-la-lepre-se-cache-dans-les-ecureuils

 

Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 141