Des toxiques toxiques pour le risque de SLA

Commentaire. Il ne se passe pas une semaine sans que soit publié une nouvelle étude sur les effets et les maladies déclenchés par les toxiques chimiques inventés par l’homme.

La semaine dernière nous relations que la pollution était la troisième cause de mortalité en France.

Il semble vraiment que les toxiques vont devenir la première cause de maladie en France et probablement de mortalité.

Nous connaissions les actions sur les cancers, la maladie de Parkinson, l’autisme, voici les SLA ou maladie de Charcot, maladie neuro-dégénérative particulièrement redoutable qui emporte ceux qu’elle touche en 2 à 3 ans en moyenne.

« Parmi les toxiques incriminés, les pesticides organochlorés (OCP), les biphényles polychlorés (PCB) et les produits ignifuges retardant (BFR) sont particulièrement ciblés, de par leurs effets neurotoxiques connus et leur longue durée de vie, tant dans l’environnement que dans le corps humain.».

 

L’ARTICLE :

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative progressive et mortelle. La combinaison d’une exposition à des produits toxiques et d’une susceptibilité génétique pourrait être à l’origine de la dégénérescence neuronale observée dans cette affection. Parmi les toxiques incriminés, les pesticides organochlorés (OCP), les biphényles polychlorés (PCB) et les produits ignifuges retardant (BFR) sont particulièrement ciblés, de par leurs effets neurotoxiques connus et leur longue durée de vie, tant dans l’environnement que dans le corps humain.

Dans un article récent publié dans le JAMA Neurology de Mai 2016, F C Su et collaborateurs rapportent les résultats d’un travail sur l’association potentielle entre SLA et exposition à divers polluants professionnels et environnementaux, travail qui a comporté également des analyses des concentrations sanguines de 122 toxiques, dont des OCP, PCB et BFR. Il s’agit d’une étude cas-contrôles, réalisée dans le Michigan entre 2011 et 2014, sous l’égide d’un centre de soins tertiaires spécialisé dans la prise en charge des SLA.

Les participants avaient été diagnostiqués comme atteints d’une SLA certaine, probable ou possible selon les critères El Escorial modifiés. Les sujets témoins devaient naturellement être indemnes de SLA et n’avoir pas d’antécédents familiaux au premier et second degré. Tous ont rempli un questionnaire particulièrement détaillé, renseignant sur leurs expositions aux toxiques au travail et à domicile ainsi que sur de nombreux paramètres tels que le niveau éducationnel ou encore la pratique du service militaire. Les types, lieux et durées des expositions toxiques ont été notifiés, dont 20 concernant les risques dans l’industrie. L’enquête a porté également sur les expositions domestiques concernant, non seulement la résidence actuelle mais aussi celle de naissance ou encore celle où le sujet avait le plus longtemps vécu. De nombreux dosages sanguins ont été effectués pour 122 polluants neurotoxiques par spectrométrie de masse-chromatographie. Les taux d’exposition ont été calculés vie entière ou sur des périodes plus courtes, sachant qu’un même individu avait pu être exposé, durant sa vie, à des produits toxiques multiples. Plusieurs modèles de régression logistique multi variables ont été utilisés, portant tant sur les expositions aux toxiques que sur les concentrations sanguines.

Association avec une exposition aux pesticides et à d’autres polluants persistants

Au total 156 patients atteints de SLA ont été inclus, dont l’âge moyen (DS) est de 60,5 (11,1) ans et 61,5 % d’entre eux sont des hommes. Ils ont été appariés à 128 sujets contrôles, indemnes de maladies neurodégénérative, d’âge moyen 60,4 (9,6) ans, dont 57,8 % d’hommes. Sur l’ensemble, 101 de chaque catégorie ont fourni l’intégralité des renseignements demandés et effectué les prélèvements sanguins. Six domaines ont été particulièrement investigués : l’exposition au plomb et aux pesticides, un emploi dans les forces armées US, dans le secteur de la santé ou de l’aide à la personne, dans celui du logement et de la restauration.

Une exposition cumulative aux pesticides a été significativement associée à un risque accru de SLA. L’odds ratio, OR, se situe à 5,09 pour un intervalle de confiance à 95%, IC,  entre 1,85 et 13,94 et un p à 0,02. De façon plus étonnante, le fait d’avoir effectué son service militaire a aussi été associé, de 2 façons, à une augmentation du risque : en cas d’antécédent vie entière avec un OR à 2,31 (IC : 1,02-5,25 ; p = 0,046) ou en ne prenant en compte qu’une exposition le long des 10 à 30 années précédentes avec un OR à 2,18 (IC : 1,01-4,73 ; p = 0,049). L’utilisation d’un modèle multivarié pour le dosage des polluants persistants tant professionnels que domestiques, a retrouvé une augmentation du risque de SLA avec 2 OCP (respectivement le pentachlorobenzène, OR : 2 21 ; IC : 1,06- 4,60 ; p = 0,04 et le cis-chlordane : OR : 5,74 ; IC : 1,80- 18,20 ; p<0,005).  Il en va de même pour 2 PCB (PCR 175 : OR : 1,81 ; IC : 1,36- 2,72 ; p = 0,005 et PCB 202 : OR : 2,11 ; IC : 1,36- 3,29 ; p = 0,001) et pour le BFR polybromodiphénylether 47 (OR : 2,69 ; CI : 1,49- 4,85 ; p= 0,001). La concordance entre données du questionnaire et dosages sanguins est modeste avec un coefficient de corrélation Kendall t allant de – 0,18 (pour le Dacthal et l’utilisation de pesticides) à + 0 ,24 (pour le trans nano chlore et le rangement de produits de jardinage dans un garage). Une analyse d’un sous-groupe ne prenant en compte que les participants vivant dans une zone plus restreinte autour du lieu de l’enquête confirme l’existence d’une relation étroite entre SLA, OCP et PCB mais relation plus lâche avec les BFR.

Ainsi ce travail démontre qu’une exposition à différents toxiques industriels et/ou domestiques, en plus d’une susceptibilité génétique, peut favoriser une dégénérescence neuronale, à l’origine d’une   SLA. Il indique aussi que les personnels militaires US doivent être considérés comme des sujets à risque sans que la cause en soit connue (exposition à des toxiques, vaccinations multiples, activité physique excessive, traumatisme ?…). Il met en exergue l’exposition aux pesticides, tout comme, en première analyse, le niveau d’éducation. Concernant les dosages biologiques, l’élévation des concentrations de 2 OCP, de 3 PCB et de 2 BFR ont été trouvées significativement associées à un risque accru de SLA, confirmant ainsi les observations des études antérieures ayant porté notamment sur les pesticides. Il faut cependant noter que la concordance entre données du questionnaire d’enquête et taux sanguins a été faible, expliquée en partie par la durée de vie parfois très longue de certaines substances telles que le DDT ou le DDE. Cette étude a pu comporter des biais de sélection. Ainsi, le haut niveau d’éducation retrouvé chez les participants a pu être le fait d’un recrutement basé sur Internet, donc lié à des populations à fort niveau socioéconomique.

En résumé, plusieurs classes de polluants tendent à majorer le risque de SLA et doivent donc être considérés comme autant de facteurs de risque potentiellement modifiables. Parmi eux doit être signalée l’exposition aux pesticides. Toutefois, la corrélation entre importance de l’exposition à un toxique donné et concentration sanguine est faible. Il reste donc nécessaire de mener dans l’avenir des études longitudinales d’expositions toxiques, d’y intégrer les produits récents et/ ou non persistants et d’explorer aussi les mécanismes pathologiques possibles ainsi que les variations phénotypiques des malades.

Dr Pierre Margent

Références

SU F C et coll. : Association of Environmental Toxins with Amyotrophic Lateral Sclerosis. JAMA Neurol., 2016; publication avancée en ligne le 9 mai. doi: 10.1001/jamaneurol.2016.0594.

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Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 124