Des symptômes somatiques inexpliqués, une entité

Commentaire d’Olivier Soulier.

Publié dans la lettre de médecine du sens n° 7

La médecine s’interroge de plus en plus sur des pans entiers qu’elle ne comprend pas, les somatisations hors de tous les syndromes connus. Elle réalise bien qu’il y a des liens entre psychisme et somatisation, bien que cela remette en cause ses fondements.
« nos systèmes de santé axés sur la catégorisation des maladies» dit cet article.
Qu’est ce qui donne l’un ou l’autre. Est ce le psychisme en premier ou la somatisation ?
En fait je pense qu’il y a en permanence un parallélisme entre les deux. Que chaque aspect psychique a sa facette organique. Parfois l’un apparait en premier. Parfois l’autre en avant.
Hier sortait un article qui parlait de signes organiques dans la schizophrénie. Aujourd’hui le JIM propose un lien sur la base du DSM 5, la bible de la psychiatrie.
La conclusion dit :
Cette nouvelle entité nosographique signifie que les patients ne sont plus « simplement divisibles en personnes avec une maladie d’ordre physique ou d’ordre psychosomatique ».
Une évidence connue depuis des siècles par les médecines naturelles et traditionnelles.
Un pas peut être dans le bon sens. 

L’ARTICLE

Ayant collaboré au groupe de travail sur les troubles somatoformes du DSM-5 (Somatic Symptoms Disorders), et exerçant au département de psychiatrie de l’Université d’Oxford (Grande-Bretagne), le Dr. Michael Sharpe propose une réflexion sur la place des « symptômes somatiques » chez les patients des psychiatres.

Ces symptômes somatiques peuvent être classés, rappelle-t-il, en troubles « médicalement expliqués » et troubles « médicalement inexpliqués », les premiers passant pour « médicaux » (c’est-à-dire organiques), et les autres « psychiatriques », a priori sans caractère organique. Cette distinction classique peut toujours être contestée à la fois par les adeptes du « tout biologique » (estimant que seule notre ignorance actuelle nous fait méconnaître la physiopathologie de ces troubles, à l’échelle cellulaire ou moléculaire qui pourrait révéler des dysfonctionnements organiques) et par certains psychiatres pensant que le psychisme (ou l’inconscient) peut induire des troubles à expression somatique, comme il s’exprime ailleurs par des troubles anxieux ou dépressifs.

Mais arbitraire ou pas, cette dichotomie « organique ou psychique » conserve une « valeur pragmatique dans nos systèmes de santé axés sur la catégorisation des maladies. » Or un nouveau diagnostic (troubles somatoformes, Somatic Symptoms Disorders) constatant des symptômes « médicalement inexpliqués » repose non sur la base (en l’occurrence subjective) mais plutôt sur l’allégation par le patient de « troubles somatiques gênants et persistants, accompagnés par une réponse psychologique excessive. » Il est possible d’attribuer ce diagnostic psychiatrique à la fois pour des symptômes médicalement inexpliqués et pour des symptômes somatiques, rattachés à une maladie telle que le cancer.

Cette nouvelle entité nosographique signifie que les patients ne sont plus « simplement divisibles en personnes avec une maladie d’ordre physique ou d’ordre psychosomatique », mais ont « plus que d’autres, besoin d’aide psychiatrique pour gérer leurs symptômes somatiques. » Et si certains de ces patients auront une dépression, d’autres n’en auront pas. En proposant ce nouveau diagnostic de Somatic Symptom Disorder, résume l’auteur, le DSM-5 permet de « remplacer l’idée de symptômes médicalement inexpliqués par le concept simple de la charge des symptômes », c’est-à-dire à quels points les patients se trouvent gênés par leurs symptômes, leur gravité et leur retentissement psychologique.

Dr Alain Cohen

Références

Michael Sharpe: Somatic symptoms: beyond ‘medically unexplained’ Br J Psychiatry, 2013, 320–321.