Davantage de troubles psychiatriques chez les femmes demandant une césarienne
Commentaire.
Mon attention a été attirée par une question revenant souvent dans les séminaires, les conférences ou les avant- premières au cinéma lors de la sortie du film qu’a fait Jean Yves Bilien.
Cette question revient souvent « Quelle conséquence pour un enfant quand il y a eu césarienne et non pas accouchement par les voies naturelles ? ».
Ma réponse est toujours la même, finalement assez peu.
Bien sur, l’accouchement par les voies naturelles a de très nombreux bienfaits, ostéopathique, mise en relation, coopération mère enfant, et bien d’autres choses encore. Mais finalement l’expérience montre que cela peut très bien ne pas vraiment laisser de marques négatives. Tout est question de contexte. Mais ce qui me marque c’est la culpabilité qui est présente derrière les questions de ces femmes. Le sentiment de ne pas avoir bien fait, d’avoir failli, la peur que cela aie des conséquences et le cercle vicieux de la culpabilité.
Cette étude vient éclairer d’avantage cette notion. Si l’on exclu les césariennes pour impératif médical décidées par le médecin. La demande de césarienne, surtout par les primipares (premier enfant) parle de peur de l’enfant et évoque un contexte psychiatrique.
On comprend mieux alors les réactions ultérieures de craintes et de culpabilité. Une conscience de cette peur qui les a habitées au moment de la grossesse et de l’accouchement.
Peur de l’accouchement, peur de souffrir, peur de ne pas être à la hauteur; Mémoires familiales transmises de génération en génération, ou acquises dans leur propre histoire.
L’ARTICLE :
Les dernières décennies ont connu une augmentation continue des taux des césariennes dans la majorité des pays. La césarienne effectuée sur demande maternelle et en l’absence de toute indication médicale constitue un des facteurs expliquant cette évolution. La peur de l’accouchement (FOC pour fear of childbirth) est fréquemment rapportée comme un facteur associé avec la césarienne sur demande maternelle, et plus particulièrement chez les primipares. Il semble que la FOC soit plus fréquente chez les femmes présentant une maladie psychiatrique. Ceci a conduit à l’hypothèse que les femmes demandant une césarienne pourraient présenter plus fréquemment des troubles psychiatriques.
Dans ce contexte, une étude prospective de cohorte, représentative de la population, a été effectuée en Suède afin de comparer les soins psychiatriques hospitaliers et les soins ambulatoires au cours des 5 années précédant le premier accouchement de primipares, en distinguant deux groupes, celles ayant eu une césarienne sur demande maternelle et les autres primipares ayant accouché au cours de la même période.
Ont été ainsi incluses dans cette étude 64 834 femmes ayant accouché pour la première fois entre 2002 et 2004, dont 1 009 avaient accouché par césarienne sur demande maternelle.
Les diagnostics psychiatriques au cours des 5 années précédant le premier accouchement ont été obtenus par le registre national suédois.
Les femmes ayant accouché par césarienne à leur demande présentaient les caractéristiques suivantes ; plus âgées, plus fréquemment fumeuses, avec un niveau d’éducation plus bas, un indice de masse corporelle plus élevé, plus fréquemment mariées sans emploi, et nées de parents étrangers (P < 0,05). De plus, elles présentaient plus fréquemment une maladie psychiatrique par rapport aux témoins (p < 0,001).
La fréquence des troubles psychiatriques était sen effet ignificativement plus élevée chez les femmes ayant accouché par césarienne à leur demande (10 % versus 3,5 % ; P < 0,001). Les diagnostics les plus fréquents étaient les troubles névrotiques, les troubles liés à des facteurs de stress, les troubles somatoformes (5,9 %, Odds ratio [OR] ajusté = 3,1 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,1-2,9) et les troubles d’humeur (3,4 %, OR ajusté = 2,4 ; IC : 1,7-3,6). Tout diagnostic d’un trouble psychiatrique au cours de 5 années avant la grossesse augmentait significativement le risque de césarienne sur demande maternelle (OR ajusté = 2,5 ; IC : 2,0-3,2 pour tout trouble psychiatrique).
En conclusion, les résultats de cette étude suggèrent que les femmes ayant accouché par césarienne sur demande maternelle présentent plus fréquemment une maladie psychiatrique sévère. Les troubles psychiatriques augmentent le risque de césarienne en dehors de toute indication médicale. Ces résultats militent pour un soutien psychologique des femmes enceintes ayant présenté dans les années précédentes des troubles psychiatriques. Ils militent aussi pour un dépistage des maladies psychiatriques auprès de l’ensemble des femmes enceintes.
Dr Viola Polena
Références
Sydsjö G et coll. : Psychiatric illness in women requesting caesarean section. BJOG 2014; publication avancée en ligne le 17 mars. DOI: 10.1111/1471-0528.12714
Copyright © http://www.jim.fr