« Combien de gens meurent réellement de la grippe ? »

Commentaire. La grippe. Combien de morts réellement ? Les chiffres les plus variables circulent. Entre 9000, 18 000, ou le centre officiel d’épidémiologie qui parle de 431 décès attribuables clairement à la grippe cette année. En fait, depuis la nuit des temps, la grippe fait des morts tous les ans. Plutôt chez les personnes âgées, et fragiles, c’est une des manières de terminer se vie. Certaines années c’est plus, d’autres c’est moins.

 

L’ARTICLE :

Cécile Thibert remarque dans Le Figaro que « la grippe, qui s’affiche partout en ce début d’année, n’a peut-être plus de secret pour vous. Mais pour les épidémiologistes, chargés d’établir la comptabilité funèbre des victimes du virus, elle reste un véritable casse-tête ».

La journaliste observe en effet que « des chiffres variés circulent, mais il est en réalité impossible d’estimer de manière précise le nombre de victimes du virus ». Elle cite ainsi le blog du médecin généraliste Jean-Baptiste Blanc : « Chaque épidémie voit ressortir les chiffres de mortalité les plus extravagants qui varient de 1 à 15, à tel point que même notre ministre de la Santé n’ose plus en citer ».

Cécile Thibert note que le médecin « tente d’y comprendre pourquoi les médias reprennent inlassablement le chiffre de 18.300 morts supplémentaires dénombrés lors de l’hiver 2014-2015, tandis que l’agence nationale Santé Publique France estime à 9000 le nombre de décès annuels dus à la grippe recensés entre 2000 et 2010 et que le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) brandit celui de… 431 morts de grippe en moyenne chaque année ! ».

Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité infections respiratoires et vaccination à Santé Publique France, souligne qu’« en réalité, ces chiffres font tous sens mais ils ne correspondent pas à la même chose ».

La journaliste explique ainsi que « le chiffre de 18.300 correspond à l’excès de mortalité observé durant l’hiver 2014-2015, lié principalement à la grippe mais aussi «à d’autres facteurs hivernaux» (hausse du risque cardio-vasculaire, présence d’autres virus…), précise le bilan de mai 2015. Celui de 9000 morts, lui, est une estimation moyenne de la surmortalité annuelle liée à la grippe ».

Daniel Lévy-Bruhl indique que « ces deux données ne sont pas incompatibles. L’un est une observation à une année déterminée, l’autre est une moyenne. La différence du simple au double s’explique par le fait qu’il y a des années sans excès de mortalité, comme ce fut le cas en 2016 ».

Cécile Thibert se penche en outre sur « les 431 décès recensés par le CépiDc, un laboratoire de l’Inserm chargé d’élaborer chaque année la statistique des causes médicales de décès. […] Les chercheurs ont comptabilisé les certificats de décès complétés par les médecins mentionnant la grippe comme cause de la mort ».

« Comment expliquer alors que, sur les 9000 décès annuels supplémentaires liés à la grippe estimés par Santé Publique France, seuls 431, soit 5%, aient été identifiés comme tels par le CépiDc ? », s’interroge la journaliste.

Pierre-Yves Boëlle, biostatisticien et professeur en épidémiologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris), souligne que « la grippe n’est pratiquement jamais la cause immédiate de décès. Bien souvent, les médecins ne savent même pas que le défunt était porteur du virus, c’est pourquoi ce n’est pas inscrit sur le certificat ».

Cécile Thibert ajoute que « le chiffre de 18.300 est, lui, le fruit d’une surestimation ». Le Pr Boëlle indique ainsi qu’« en l’absence d’épidémie, la courbe de mortalité suit un mouvement périodique, qui comprend un pic hivernal. À partir de ce modèle, on recense tous les décès supplémentaires qui surviennent en période d’épidémie grippale et on les attribue à la grippe ».

Le spécialiste note toutefois : « Certes, il y a des biais méthodologiques et des écarts importants entre les données. Mais c’est la meilleure estimation statistique dont nous disposons actuellement ».

La journaliste observe enfin que « le brouillard épidémiologique qui entoure le nombre de décès imputables au virus pose aussi la question du nombre de morts évitées grâce au vaccin, estimées à 2500 par an, par Santé Publique France ».

Le Pr Boëlle remarque que « nous ne disposons pas aujourd’hui de preuve de bonne qualité que la vaccination réduit la mortalité chez les personnes âgées, cependant elle évite des infections, donc a priori des décès ».

Date de publication : 18 Janvier 2017

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Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 150