« Ces médicaments inefficaces que la Sécu rembourse »
Commentaire. La Sécurité Sociale continue à rembourser des médicaments inefficaces. Un tiers des médicaments ne servent à rien.
Souvenez vous que notre chère (et ici ce terme prend tout son sens) ministre de la Santé a décidé de continuer à rembourser les médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Dont on connait l’inefficacité.
Voir les articles précédemment parus dans les Lettres :
https://www.lessymboles.com/medicaments-quand-lefficacite-est-jugee-secondaire/
https://www.lessymboles.com/alzheimer-histoire-edifiante-de-4-medicaments/
L’ARTICLE :
Pierre Bienvault rappelle dans La Croix que « Marisol Touraine a tranché fin octobre : les médicaments contre la maladie d’Alzheimer continueront à être remboursés. Soucieuse de ne pas braquer les malades et leurs familles à quelques mois de la présidentielle, la ministre de la Santé a désavoué les experts de la Haute Autorité de santé (HAS) qui ont jugé insuffisantes ces molécules ».
« Un choix incompréhensible pour le Dr Claude Leicher, président du syndicat de généralistes MG-France », note le journaliste. Le praticien déclare ainsi qu’« on ne cesse de déplorer le fait que les personnes âgées prennent trop de médicaments en France. Et on maintient le remboursement de produits inutiles et non dénués d’effets secondaires potentiellement graves ».
Pierre Bienvault s’interroge : « Faut-il que la collectivité continue à prendre en charge des médicaments inefficaces ? En principe, la réponse devrait aller de soi. Et pourtant, ces dernières années, plusieurs ministres n’ont pas déremboursé des produits sans véritable utilité ».
Le journaliste observe que « le cas le plus douloureux concerne un médicament désormais tristement célèbre : le Mediator qui, selon la justice, pourrait avoir entraîné près de 2 000 décès en France ». Il indique que « pour comprendre, il convient de rappeler comment sont évalués les médicaments avant d’être remboursés en France. Une fois que son produit a reçu son autorisation de mise sur le marché, le laboratoire s’adresse à la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) ».
« Plusieurs critères sont alors retenus par les experts : la gravité de la maladie concernée, l’efficacité du médicament, ses effets indésirables, sa place dans la stratégie thérapeutique », relève Pierre Bienvault.
Le Dr Anne d’Andon, chef du service évaluation des médicaments à la HAS, remarque que « plus la maladie est grave, plus on va vouloir le rembourser. On regarde aussi si le produit apporte quelque chose de substantiel par rapport aux traitements déjà existants. Un autre critère est l’intérêt collectif. On prend en compte ce que le médicament apporte à la santé de la population et à l’organisation des soins ».
Pierre Bienvault indique que « la commission se prononce sur le service médical rendu (SMR) du produit. La meilleure note est un SMR «important». Si le ministre [de la Santé] suit les experts, le médicament sera alors remboursé à hauteur de 65%. Le remboursement sera de 30% avec un SMR «modéré» et de 15% avec un SMR «faible». La plus mauvaise note est le SMR «insuffisant». Dans ce cas, la commission préconise la non-prise en charge du produit ou son déremboursement s’il est déjà sur le marché ».
Il ajoute que « les médicaments sont réévalués tous les 5 ans. Et au fil du temps, l’avis de la HAS peut évoluer. Par exemple, en 2007 elle avait jugé «important» le SMR des médicaments anti-Alzheimer. Cinq ans plus tard, elle leur avait décerné un SMR «faible». Et cette fois-ci, le couperet est tombé : «insuffisant» ».
Le journaliste relève que « dans la très grande majorité des cas, le ministre suit l’avis des experts. […] Mais parfois, le ministre maintient le remboursement pour diverses raisons, notamment la crainte du «report» de prescriptions ».
Pierre Bienvault ajoute qu’« il est aussi arrivé que des ministres calent face au chantage à l’emploi de certains laboratoires. En général, la fin du remboursement entraîne en effet un effondrement des ventes. Et parmi tous les produits dans le viseur ces dernières années figuraient souvent de vieilles molécules fabriquées par des firmes françaises. Et qui, pendant un temps, ont pu sauver leurs précieuses pilules en faisant valoir qu’elles étaient localement de gros employeurs ».
Le journaliste note par ailleurs qu’« un autre argument est qu’en France, toute prise en charge thérapeutique ne démarre que s’il existe un médicament ». Le Pr Claire Le Jeunne, professeur de thérapeutique à l’université Paris Descartes, remarque qu’« on peut le regretter mais c’est souvent ainsi que cela fonctionne. Sans médicaments, certaines maladies ont du mal à exister. C’est quand une molécule arrive qu’on voit s’organiser des congrès médicaux, que des groupes de personnes se fédèrent pour en parler ».
La spécialiste souligne cependant que « ces dernières années, un grand ménage a été fait. Et on a déremboursé bon nombre de produits qui, pour certains, n’avaient jamais été prescrits dans les autres pays européens ».
De son côté, le Pr Jean-François Bergmann observe qu’« il y a encore cette idée dans la profession que si on ne prescrit rien, on est un mauvais médecin ». « Et un patient qui part sans ordonnance a l’impression d’être mal soigné », ajoute le Pr Le Jeunne.
Le Dr Leicher remarque cependant que « les anciennes générations de patients tenaient beaucoup aux médicaments. Mais pas les jeunes. Moins on leur en prescrit, plus ils sont contents en général ».
Date de publication : 22 Novembre 2016
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Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 142